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Correspondance de Voltaire/1749/Lettre 2012

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Correspondance de Voltaire/1749
Correspondance : année 1749, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 62).

2012. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON.
À Lunéville, le 4 septembre.

Mme du Châtelet vous mande, monsieur, que cette nuit, étant à son secrétaire, et griffonnant quelque pancarte newtonienne, elle a eu un petit besoin. Ce petit besoin était une fille qui a paru sur-le-champ. On l’a étendue sur un livre de géométrie in-4o. La mère est allée se coucher, parce qu’il faut bien se coucher ; et, si elle ne dormait pas, elle vous écrirait. Pour moi, qui ai accouché d’une tragédie de Catilina, je suis cent fois plus fatigué qu’elle. Elle n’a mis au monde qu’une petite fille qui ne dit mot, et moi il m’a fallu faire un Cicéron, un César ; et il est plus difficile de faire parler ces gens-là que de faire des enfants, surtout quand on ne veut pas faire un second affront à l’ancienne Rome et au théâtre français. Conservez-moi vos bontés ; aimez Cicéron de tout votre cœur ; il était bon citoyen comme vous, et n’était point m… de sa fille, comme l’a dit Crébillon. Mille respects.