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Correspondance de Voltaire/1750/Lettre 2121

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Correspondance de Voltaire/1750
Correspondance : année 1750, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 172).

2121. — À MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH[1].
(Septembre 1750.)

Madame, que Votre Altesse royale renonce à Mme de Graffigny. Elle est vieille, elle est malade. Mais vous êtes malade et vieux, me dira Votre Altesse royale. Oui, madame ; mais j’ai les passions jeunes, et le roi, votre frère, me rajeunit. En un mot, Mme de Graffigny ne veut point quitter Paris, et moi, je ne veux point quitter Frédéric le Grand. Chacun dans ce monde est gouverné par son goût. Je vous déterrerai quelque complaisante, ni jeune ni vieille, point tracassière, femme d’esprit, femme honnête, femme de condition, et vous aurez cela pour vos étrennes, aussi bien qu’un certain petit fou nommé Heurtaud, que M. de Montperny a retenu. Il fait pleurer dans la tragédie et pouffer de rire dans le comique. Point de Rome sauvée aujourd’hui. Il faut que vous jouissiez du roi tout à votre aise. Cicéron a d’ailleurs ses coliques infernales qui l’empêchent de vous faire sa cour et de briller en brodequins aujourd’hui.

Je me mets aux pieds de Votre Altesse royale.

Voltaire.
  1. Revue française, 1er février 1866 ; tome XIII, page 197.