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Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2222

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Correspondance de Voltaire/1751
Correspondance : année 1751, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 265-266).

2222. — À MADAME LA PRINCESSE ULRIQUE,
reine de suède.[1]
À Potsdam, ce 22 avril 1751.

Christine par l’esprit, Gustave par le cœur,
Régnez, embellissez, affermissez le trône ;
Le Russe en ses déserts en pâlit de terreur,
Minerve dans Berlin félicite Bellone,
Et toutes deux ont dit : Allons vers notre sœur,
Son empire est le nôtre, et c’est nous qu’on couronne.

Madame, permettez que parmi tant de voix qui applaudissent et qui souhaitent à Votre Majesté un règne heureux, la voix d’un ancien serviteur se fasse entendre.

Que ne puis-je ressembler à Descartes, qui alla se mettre aux pieds de Christine ! Souffrez qu’au moins je présente un tribut à Votre Majesté : c’est un recueil[2] qu’on s’est avisé d’imprimer à Dresde, et dont j’ai corrigé toutes les fautes à la main ; il est rempli d’additions et de changements. Il n’y a au monde que deux exemplaires ainsi corrigés, l’un pour un héros digne d’être votre frère, l’autre pour son auguste sœur. C’est par cette rareté seule que cet ouvrage mérite peut-être d’être honoré d’une place dans la bibliothèque de Votre Majesté. Si on veut admirer ce qui est rare en effet par soi-même, et ce qui est d’un prix inestimable, il faut ou aller à Stockholm ou être à Potsdam. Il y a longtemps que j’ai vu une épître charmante que l’Apollon de Prusse a faite pour la Pallas de Suède. Après un tel tribut payé par une divinité à une autre, comment un profane oserait-il parler, soit en vers, soit en prose ?

Je suis avec le plus profond respect, madame, de Votre Majesté le très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

  1. V. Advielle, éditeur. — Voltaire félicite par cette lettre la princesse Ulrique de son avènement au trône de Suède.
  2. La lettre de Voltaire était accompagnée d’un exemplaire de ses Œuvres, édition de Dresde, 1748-1750.