Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2572

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 48).
2572. — DE MADAME DENIS À MILORD MARÉCHAL[1].
À Francfort, ce 11 juin.

J’ai à peine la force de vous écrire, milord. J’arrive ici très-malade, et j’y trouve mon oncle mourant et en prison dans une auberge abominable. Il est affligé de la colère d’un prince qu’il a adoré et qu’il voudrait aimer encore ; mais son innocence lui donne un courage dont je suis étonnée moi-même au milieu de tous les maux qui l’environnent. Il est très-vrai qu’il n’a point le contrat dont il est question, il est très-vrai qu’il a cru me l’avoir envoyé, et que peut-être il me l’a envoyé en effet ; il se peut faire qu’il se soit perdu dans une lettre qui ne me sera point parvenue comme bien d’autres, peut-être aussi sera-t-il dans cette caisse qui est en chemin pour revenir ou dans ses papiers à Paris. Pour obvier à tous ces inconvénients, n’ayant pas la force d’écrire, il vient de dicter à un homme sur un écrit qui non-seulement le justifie, mais annule à jamais ce contrat, et qui doit assurément désarmer Sa Majesté. Je crois, milord, que vous serez content, d’autant que si jamais ce contrat se retrouve notre premier soin sera de le rendre, malgré l’écrit que nous vous envoyons.

Je suis si malade, et mon oncle me donne pour sa vie des inquiétudes si réelles, qu’il ne me reste que la force de vous demander pour lui et pour moi votre amitié.


Mignot Denis.

  1. Éditeur, Varnhagen von Ense.