Correspondance de Voltaire/1754/Lettre 2724

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Correspondance de Voltaire/1754
Correspondance : année 1754GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 200-201).

2724 — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
À Colmar, le 26 mars.

On me dit, madame, que vous allez à Andlau, et que ma lettre ne vous trouverait pas à Strasbourg ; je l’adresse à M. le baron d’Hattsatt. J’ai fort bonne opinion de son procès ; Dupont m’a lu son plaidoyer, il m’a paru contenir des raisons convaincantes ; il tourne l’affaire de tous les sens, et il n’y a pas un côté qui ne soit entièrement favorable. J’aurais bien mauvaise opinion de mon jugement, ou de celui du conseil d’Alsace, si monsieur votre neveu ne gagnait pas sa cause tout d’une voix. Je me flatte, madame, de vous retrouver à l’île Jard, quand je retournerai à Strasbourg. Il y a six mois que je ne suis sorti de ma chambre ; il est bon de s’accoutumer à se passer des hommes ; vous savez que j’en ai éprouvé la méchanceté jusque dans ma solitude. Le père missionnaire[1] est venu s’excuser chez moi, et j’ai reçu ses excuses, parce qu’il y a des feux qu’il ne faut pas attiser. Le père Menoux a désavoué la lettre[2] qui court sous son nom, et je me contente de son désaveu. Il faut sacrifier au repos dont on a grand besoin sur la fin de sa vie. Comme je m’occupe à l’histoire, je voudrais bien savoir s’il est vrai qu’il y ait eu autrefois un parlement[3] à Paris. Le chef du parlement de cette province m’honore toujours d’une bonté que je vous dois ; il vient me voir quelquefois ; je me sens destiné à être attaché à tout ce qui vous appartient. Je présente mes respects aux deux ermites de l’île Jard ; je me recommande à leurs saintes prières,


L’Ermite de Colmar.

  1. Le jésuite Merat.
  2. Sans doute celle que nous avons donnée sous le n° 2697.
  3. Allusion à l’exil du Parlement, que Louis XV rappela à Paris le 4 septembre suivant, à l’occasion de la naissance du duc de Berry (Louis XVI).