Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 3020

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Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 468).
3020. — À M. LE COMTE DE CHOISEUL[1].
Aux Délices, 17 septembre.

Je crois, monsieur, avoir reçu deux lettres de vous. Les bontés dont vous m’honorez redoublent la douleur que je porterai jusqu’au tombeau d’être éloigné pour jamais de vous et de la maison[2] où vous passez votre vie. J’aurais dû mériter ces bontés par des soins plus assidus pour cet Orphelin que vous avez pris sous votre protection. Plus d’une circonstance très-triste m’a empêché de songer à perfectionner un ouvrage auquel je devais retoucher, et m’a forcé de livrer trop tôt à l’impression ce que j’avais trop tôt livré au théâtre. Des traverses cruelles ont toujours été le fruit de mes travaux. S’il plaisait enfin à la destinée de me laisser des jours tranquilles, si la persécution me laissait respirer dans mon asile, peut-être aurais-je encore la force de faire quelque chose qui me rappellerait à votre souvenir, et qui vous marquerait au moins l’envie extrême que j’ai de mériter votre suffrage. J’explique plus en détail à M. d’Argental tous les contre-temps qui m’ont jeté hors de mes mesures ; mais je n’ai point d’expression, monsieur, pour vous exprimer ma tendre et respectueuse reconnaissance. V.

  1. Duc de Praslin en novembre 1762.
  2. Celle de M. d’Argental, dont il était voisin.