Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3127

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 557-558).

3127. — À M. THIERIOT.
À Monrion, 29 février.

Je reçois, mon ancien ami, votre lettre du 21. Vous devez avoir à présent, par Mme de Fontaine, le sermon que prêche le père Liébaut[1], tel que je l’ai fait, et qui est fort différent de celui qu’on débite. Vous êtes mon plus ancien paroissien, et c’est pour vous que la parole de vie[2] est faite. Je n’ai guère à présent le loisir de penser à Mme Jeanne, et je suis trop malade pour rire. Le tableau[3] des sottises du genre humain, depuis Charlemagne jusqu’à nos jours, est ce qui m’occupe, et je trempe mon pinceau dans la palette du Caravage quand je suis mélancolique. Je ne sais s’il y a dans ce tableau beaucoup de traits plus honteux pour l’humanité que de voir deux nations éclairées[4] se couper la gorge, en Europe, pour quelques arpents de glace et de neige dans l’Amérique.

Je vous prie, mon ancien ami, de m’instruire de la demeure de ce petit Patu[5] qui est si aimable. Il m’a écrit une très-jolie lettre ; je ne sais où lui adresser ma réponse ; dites-moi où il demeure. Je vous embrasse bien tendrement.

  1. Voyez la lettre 3103.
  2. Jean, vi, 69 ; et Luc, Actes des apôtres, v. 20.
  3. L’Essai sur l’Histoire générale.
  4. La France et l’Angleterre ; voyez tome XV, page 336.
  5. Ami de Palissot.