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Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3159

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 31-32).
3159. — À M. BORDES[1].
Aux Délices, avril.

Soyez bien sûr, monsieur, que votre lettre me fait plus de plaisir que tout ce que vous auriez pu m’envoyer d’Italie, soit opéra, soit agnus Dei. Nous sommes très-fâchés, Mme Denis et moi, que vous n’ayez pas pu prendre votre route par Genève. Après avoir vu des palais et des cascades, et après avoir entendu des Miserere à quatre chœurs, vous auriez vu, dans une retraite paisible, deux espèces de philosophes pénétrés de votre mérite. J’ai eu longtemps un extrême désir de faire le voyage dont vous revenez ; mais à présent je n’ai plus d’autre passion que celle de rester tranquille chez moi, et d’y pouvoir recevoir des hommes comme vous. Je fais bien plus de cas d’un être pensant que de Saint-Pierre de rome ; et ce n’est pas trop la peine, à mon âge, d’aller dans un pays où il faut demander la permission de penser à un dominicain.

M. l’abbé Pernetti[2] m’a mandé qu’il fallait deux vers pour l’inscription de votre salle de spectacle, et qu’il ne fallait que deux vers. La langue française, qui, par malheur, est très-ingrate pour le style lapidaire, rend cette besogne assez malaisée. Quatre vers en ce genre sont plus aisés à faire que deux. Cependant je vous prie de dire à M. l’abbé Pernetti que j’essayerai de lui obéir et de lui plaire. J’ai encore heureusement du temps devant moi ; on dit que votre salle ne sera prête que pour l’automne. Je me flatte qu’avant ce temps-là il faudra faire des inscriptions pour la statue de M. le maréchal de Richelieu, à Minorque.

Adieu, monsieur ; conservez-moi une amitié dont je sens vivement tout le prix.

  1. Ch. Bordes, auquel est adressé la lettre 2661.
  2. Nous ne connaissons jusqu’à présent aucune lettre de Voltaire à Jacques Pernetti, antérieure à celle du 22 auguste 1760 (Cl.)