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Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3187

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 57-58).

3187. — À M. THIERIOT.
Aux Délices, 16 juin.

Je ne suis pas étonné qu’on dévore ce ramas d’anecdotes où, parmi quelques vérités indifférentes, tirées des Mémoires de Dangeau, de Huber, etc., tout fourmille de faussetés, de contradictions, et d’impostures. Le mensonge n’a jamais parlé avec tant d’impudence. Cela est fait pour être lu des ignorants oisifs, méprisé des sages, et pour indigner les gens en place. De quel front ce malheureux ose-t-il assurer que Monseigneur épousa Mme Choin, et que Mme de Berry se maria au comte de Riom ? Quand on avance de tels faits, il faut avoir ses garants. Il était réservé à ce siècle qu’un gredin parlât de la cour comme s’il y avait joué un rôle. Il prend la peine de combattre de temps en temps le Siècle de Louis XIV, et il porte la démence jusqu’à citer des passages qui n’y ont jamais été.

Je suis bien aise que ce soit un pareil coquin qui ait écrit contre vous. Il se dit citoyen de Montmartre[1], il mérite d’être citoyen d’une chiourme. Que comptez-vous faire, mon ancien ami, de l’édition de mes bagatelles ? Vous devriez bien venir voir l’auteur, et joindre votre portefeuille au mien. Nous pourrions faire quelque chose ensemble. Les Cramer ne se repentent pas de leur édition, quoiqu’il y en ait tant d’autres. Ils l’ont presque toute débitée en trois semaines ; je ne m’y attendais pas. L’Histoire générale mérite un peu plus d’attention ; on y joint le Siècle de Louis XIV, avec des additions et des notes qui sont assez curieuses. Vous ne nuiriez pas à cet ouvrage ; nous le reverrions ensemble. Mes nièces auraient soin de vous rendre votre séjour aux Délices digne du nom que ma maison ose porter. J’y jouis de la paix, j’y travaille à loisir : ce sont là les vraies délices. Je serais trop heureux si j’avais de la santé et l’ami Thieriot. Vale.

P. S. La lettre[2] à M. le maréchal de Richelieu n’était pas assurément pour le public. Je ne l’ai communiquée à personne. S’il a fait voir mes prophéties, il les accomplira.

  1. Voyez pages 43 et 50.
  2. Du 3 mai précédent, en prose et en vers.