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Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3190

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 60-61).

3190. — À M. THIERIOT[1].
Aux Délices, 26 juin.

Vous ne savez ce que vous dites, mon cher et ancien ami, et vous faites toujours quelque quiproquo. Vous vous imaginez d’abord qu’il est question d’un intérêt d’argent pour vous, quand je vous mande que, si vous laissez subsister la note sur Bayle, elle pourra faire tort a l’èditeur. Il était bien question de cela ! Vous allez vous plaindre à M. d’Argental que j’ai supposé que Lambert vous faisait un présent ! Quel présent pouvait-il vous faire pour une telle bagatelle ? Et, quand je vous écris que vous n’avez pas entendu le passage de ma lettre, vous me répondez comme si je vous avais écrit que vous n’entendiez pas un passage de mon ouvrage : ayez donc un peu plus d’attention et des idées plus nettes.

Songez bien que je vous demande si Lambert compte ajouter des pièces fugitives, que je n’ai point, à celles que les Cramer ont imprimées. Songez que je vous demande si vous en avez quelques-unes. Songez qu’alors il devrait attendre, et faire à loisir une édition complète à laquelle vous présideriez. En ce cas, vous devriez venir aux Délices, et vous ne vous en repentiriez pas. Vous seriez en quatre jours à Lyon : je vous adresserais à M. Tronchin, le banquier, qui vous fournirait une voiture, et nous causerions. Il y a une Histoire générale qui pourrait mériter vos soins, etc.

Je vous répète, mon cher et ancien ami, que je sais, à n’en pouvoir douter, que La Beaumelle est l’auteur du Citoyen de Montmartre, et qu’il l’avait communiqué à Fréron.

Vous avouez donc enfin que cet homme[2], qui cherchait à imiter Tacite, n’a imiter que Gacon. Plus vous avez avancé dans la lecture de ses infâmes rapsodies, plus vous avez dû être indigné. On n’a jamais écrit plus insolemment tant de mensonges et ces mensonges sont d’autant plus dangereux qu’ils sont souvent mêlés avec la vérité. Un mot de Mme de Maintenon lui sert de canevas pour cent impostures. On a mis au pilori des hommes bien moins coupables.

J’ai lu les Mémoires de Dangeau dont vous me parlez ; il n’y a pas quatre pages à extraire. J’ai beaucoup retouché le Siècle de Louis XIV ; il terminera l’Histoire générale. J’espère qu’un jour je ferai aimer la vérité.

Je vous embrasse.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. La Beaumelle.