Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3234

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 109-110).

3234. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 13 septembre[1]

Priez bien Dieu, madame, avec votre chère amie, Mme de Brumath, pour notre Marie-Thérèse ; et si vous avez des nouvelles d’Allemagne, daignez m’en faire part. Notre Salomon du Nord vient de faire un tour de maître Gonin ; nous verrons quelles en seront les suites.

On dit que la France envoie vingt-quatre mille hommes à cette belle Thérèse, sous le commandement du comte d’Estrées, et que cette noble impératrice confie trois de ses places en Flandre à la bonne foi du roi. Les Hollandais n’auront plus pour barrière que leurs canaux et leurs fromages. Ne seriez-vous pas bien aise de voir Salomon à Vienne, à la cour de la reine de Saba ? Je suis bien étonné qu’on m’attribue le compliment à la Chèvre[2] ; c’est une pièce faite du temps du cardinal de Richelieu. Je ne suis point au fond de mon village, comme le dit le compliment ; et il s’en faut beaucoup que j’aie à me plaindre de cette Chèvre.

Je n’ai à me plaindre que de Salomon ; mais j’oublie tous les rois dans ma retraite, où je me souviens toujours de vous.

J’ai chez moi une de mes nièces qui se meurt. Je me meurs toujours aussi ; mais je vous aime de tout mon cœur.

  1. Cette lettre, toujours mise au 13 août, ne peut être que du mois de septembre, puisque Voltaire y fait allusion à l’entrée soudaine de Frédéric en Saxe, et que ce coup se fit le 29 août. (G. A.)
  2. Il s’agit de quatorze vers de Maynard qu’on attribuait à Voltaire, et qu’on appliquait au comte d’Argenson, surnommé la Chèvre. Voyez tome XIV, au Catalogue des écrivains du Siècle de Louis XIV, l’article Maynard.