Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3265

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 134-135).

3265. — À M. PIERRE ROUSSEAU,
à liège.
Aux Délices, 28 novembre.

J’ai vu dans votre journal de novembre, monsieur, des vers qu’on m’attribue ; ils commencent ainsi :


C’est par ces vers, enfants de mon loisir,
Que j’égayais les soucis du vieil âge ;
Ô don du ciel, etc.[1].


Sans examiner si ces vers sont bons ou mauvais, je peux vous jurer, monsieur, que non-seulement je n’en suis pas l’auteur, mais que je regarderais comme une démence bien condamnable à mon âge des plaisanteries qui ont pu m’amuser il y a trente ans. Ceux qui achèvent ainsi sous mon nom des ouvrages si peu décents sont assurément plus coupables que je ne le serais d’en faire mon occupation. Je ne me reconnais dans aucune des éditions qui ont paru du petit poème dont vous me parlez. J’ai encore vu dans vos précédents journaux une prétendue lettre de moi à M. le maréchal de Richelieu, où il est dit qu’on a perdu le Pinde : je n’ai jamais écrit cette lettre. Plus j’estime votre journal, qui ne me paraîtrait que pour la vérité, et plus je crois de mon devoir de vous la faire connaître.

Je reçois dans ce moment une lettre de M. de Caussade, datée de Liège. Il me parle d’un projet d’abréger et de rectifier les Mémoires de Mme de Maintenon. Tout ce que je peux répondre, c’est qu’il n’y a dans ces Mémoires que des choses triviales, entièrement défigurées, ou des anecdotes entièrement fausses. On peut s’en convaincre par les dates seules des événements. Ces sortes d’ouvrages excitent d’abord la curiosité, et tombent ensuite dans un éternel oubli.

Je fais mes compliments à M. de Caussade, et j’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Ces vers sont l’épilogue de l’édition de 1756 ; ils sont maintenant placés avec les variantes du XXIe chant.