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Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3300

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 164).

3300. — À M. LE DUC D’UZÈS.
À Monrion, près de Lausanne, 28 janvier.

J’ai reçu, monsieur le duc, une lettre à un évêque, qui vaut beaucoup mieux que le bref du pape. Elle est digne à la fois du premier pair de France et d’un philosophe. Il y a des pairs parmi les évêques ; mais de philosophes, il y en a bien peu. Le plus détestable fanatisme lève hardiment la tête, tandis que la raison demeure à Uzès et dans quelques petits cantons. Les sages gémissent, et les insensés agissent. Il y a un certain grand arbre qui ne porte que des fruits d’amertume et de mort : il couvre encore de ses branches pourries une partie de l’Europe. Les pays où l’on a coupé ses rameaux empoisonnés sont les moins malheureux. Je vous remercie du fond de mon cœur, monsieur le duc, de l’antidote excellent que vous avez eu la bonté de m’envoyer. Qu’on parcoure l’histoire des assassins chrétiens, et elle est bien longue, on verra qu’ils ont eu tous la Bible dans leur poche avec leur poignard, et jamais Cicéron, Platon ni Virgile.

Plus j’entrevois ce qui se passe dans ce vilain monde, plus j’aime mes retraites allobroges et helvétiques.