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Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3341

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 196-197).

3341. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Lausanne, 26 mars.

Madame, je pourrais bien avoir oublié de joindre dans mes lettres mes regrets à ceux de Votre Altesse sérénissime, sur la mort de M. de Waldner. Vous ne devriez pas être étonnée qu’étant occupé de vous, madame, on fît moins d’attention aux autres objets ; mais c’est une erreur de ma plume, et non pas de mon cœur. Je suis touché sensiblement de tout ce qui intéresse Votre Altesse sérénissime, et j’avais eu assez longtemps l’honneur de connaître, à votre cour, M. de Waldner, pour être affligé de sa perle. La sensibilité, madame, est le partage de votre auguste maison. Mme la princesse de Galles sollicite vivement la grâce de l’amiral Byng, qui certainement ne mérite pas de perdre la vie, puisqu’il a été reconnu pour un brave officier et pour un bon citoyen, par la sentence même qui le condamne. Votre Altesse sérénissime aura peut-être vu, dans les gazettes, la lettre du maréchal de Richelieu, que j’avais envoyée à cet infortuné. Ce témoignage d’un ennemi et d’un vainqueur doit avoir quelque poids auprès de ceux qui aiment l’humanité et la justice, et j’ai cru remplir le devoir d’un honnête homme en publiant ce témoignage.

Il n’y a actuellement d’autres nouvelles en France que la marche des cent mille hommes. Le plan des opérations de cette armée n’est point encore connu. Je sais bien que les rois d’Angleterre et de Prusse leur opposeront de bonnes troupes ; mais je ne sais point en quel nombre.

Votre Altesse sérénissime a vu sans doute la dernière réplique du ministre saxon à la Haye ; on dit qu’il y a un tableau touchant des misères de la Saxe. C’est un triste rôle que d’être réduit à se plaindre. Votre Altesse sérénissime sait tout ce qui se passe sur ce funeste théâtre de la guerre. Je voudrais être à vos pieds et vous entendre, madame, parler de tous ces malheurs.

Le papier manque au profond respect du Suisse.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.