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Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3353

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 206).
3353. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
Aux Délices, 8 mai.

Votre roman, mon cher Catilina, fait les délices des Délices. Nous l’avons reçu contre-signé Trudaine[1], et nous l’avons dévoré, Mme Denis serait bien plus propre que moi à vous détailler tout ce qui nous a fait plaisir. Les nièces entendent mieux que les oncles à rendre compte des sentiments ; elles ont des délicatesses que les vieux oncles n’ont pas ; elle vous écrirait vingt pages si elle n’était pas un peu malade. Pour moi, je m’imagine que vous viendriez faire un second roman aux Délices si vous n’étiez pas enchaîné à Neuilly : vous verriez si les bords du lac Léman, tout Léman qu’il est, ne valent pas bien ceux de la Seine. Au reste, croyez que je n’ai pas plus d’envie de me mêler des affaires de votre théâtre que de celles de la Bohême, et j’espère que M. d’Argental secondera, par sa sagesse, mon goût pour le repos. Je n’ai que trop été livré au public, et j’aime mieux m’amuser sans regret avec mes Suisses que de m’exposer à votre parterre. Il faut avoir l’esprit de son âge, et finir tranquillement sa carrière. Jouissez des plaisirs de la vôtre, et, tandis qu’on se bat en Amérique et en Europe, sur l’Océan et sur la Méditerranée, vivez gaiement à Neuilly ; continuez à mettre dans vos ouvrages les agréments de votre vie. Les deux ermites des Délices s’intéressent à vos plaisirs ; mais ma compagne vous le dira mieux que moi.

  1. Daniel-Charles de Trudaine, intendant des finances depuis 1734, mort au commencement de 1769.