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Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3397

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 246-247).

3397. — DE MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Le 19 août.

On ne connaît ses amis que dans le malheur. La lettre que vous m’avez écrite fait bien honneur à votre façon de penser. Je ne saurais vous témoigner combien je suis sensible à votre procédé. Le roi l’est autant que moi. Vous trouverez ci-joint un billet[1] qu’il m’a ordonné de vous remettre. Ce grand homme est toujours le même. Il soutient ses infortunes avec un courage et une fermeté dignes de lui. Il n’a pu transcrire la lettre qu’il vous écrivait. Elle commençait par des vers. Au lieu d’y jeter du sable, il a pris l’encrier, ce qui est cause qu’elle est coupée. Je suis dans un état affreux, et ne survivrai pas à la destruction de ma maison et de ma famille. C’est l’unique consolation qui me reste. Vous aurez de beaux sujets de tragédies à travailler. Ô temps ! ô mœurs ! Vous ferez peut-être verser des larmes par une représentation illusoire, tandis qu’on contemple d’un œil sec les malheurs de toute une maison contre laquelle, dans le fond, on n’a aucune plainte réelle.

Je ne puis vous en dire davantage ; mon âme est si troublée que je ne sais ce que je fais. Mais, quoi qu’il puisse arriver, soyez persuadé que je suis plus que jamais votre amie.


Wilhelmine.

  1. C’est probablement ce billet dont Voltaire cite une phrase dans le troisième alinéa de la lettre 3413.