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Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3575

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 418-419).

3575. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Lausanne, 7 mars.

Mon cher ange, êtes-vous couché sur le testament de M. le cardinal de Tencin ? A-t-il laissé quelque chose à son Goussaut ? Viendrez-vous à Lyon discuter la succession ? Ce serait là une belle occasion pour Mme d’Argental de venir consulter Tronchin ; nous ferions un feu de joie aux Délices, non pas pour la mort de l’oncle[1], mais pour le joyeux avènement du neveu. J’ai perdu dans cet oncle un homme qui, depuis trois mois, s’était lié avec moi de la manière la plus intime et la plus extraordinaire ; mais il n’y a pas moyen de vous dire comment.

Il suffit que tout le monde nous redemande Fanime, et que nous la rejouons encore demain.

Je persiste, mon cher ange, à conseiller aux encyclopédistes de s’unir comme des frères, et d’être opiniâtres comme des prêtres ; de déclarer qu’ils abandonnent tout, et de forcer le public à se mettre à leurs pieds.

Avez-vous vu le vainqueur de Mahon, qui ne devait pas aller sur le Weser ? Est-il encore fâché contre moi de ce que, Mme Denis étant très-malade des suites de cette ancienne cuisse[2], je ne l’ai pas abandonnée pour aller à Strasbourg dans l’antichambre de monsieur le maréchal, qui, en passant, le nez haut, au milieu de deux haies d’officiers, m’aurait demandé s’il y avait une bonne troupe dans la ville ? Ce serait pour vous, mon cher ange, que je ferais cent lieues.

  1. Mort le 2 mars.
  2. Allusion aux suites de l’avanie de Francfort en 1753.