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Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3597

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 436-437).

3597. — À M. JEAN SCHOUVALOW.
Aux Délices, près de Genève. 20 avril.

Monsieur, je me console du retardement des instructions que Votre Excellence veut bien m’envoyer, dans l’espérance qu’elles n’en seront que plus amples et plus détaillées. La création de Pierre le Grand devient chaque jour plus digne de l’attention de la postérité. Tout ce qu’il a créé se perfectionne sous l’empire de son auguste fille l’impératrice, à qui je souhaite une vie plus longue que celle du grand homme dont elle est née. Je me flatte, monsieur, que ceux qui sont chargés par Votre Excellence du soin de rédiger ces mémoires n’oublieront ni les belles campagnes contre les Turcs, ni celles contre les Suédois, ni ce que votre illustre nation fait aujourd’hui. Plus votre empire sera bien connu, plus il sera respecté. Il n’y a point d’exemple sur la terre d’une nation qui soit devenue si considérable en tout genre, en si peu de temps. Il ne vous a fallu qu’un demi-siècle pour embrasser tous les arts utiles et agréables. C’est surtout ce prodige unique que je voudrais développer. Je ne serai, monsieur, que votre secrétaire dans cette grande et noble entreprise. Je ne doute pas que votre attachement pour l’impératrice et pour votre patrie ne vous ait porté à rassembler tout ce qui pourra contribuer à la gloire de l’une et de l’autre. La culture des terres, les manufactures, la marine, les découvertes, la police publique, la discipline militaire, les lois, les mœurs, les arts, tout entre dans votre plan. Il ne doit manquer aucun fleuron à cette couronne. Je consacrerai avec zèle les derniers jours de ma vie à mettre en œuvre ces monuments précieux, bien persuadé que la collection que je recevrai de vos bontés sera digne de celui qui me l’envoie, et répondra à la grandeur et à l’universalité de ses vues patriotiques. J’ai, etc.