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Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3622

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 458-459).
3622. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 21 juin.

Premièrement, mon divin ange, le confident Tronchin fera sa principale occupation de ménager mon bonheur, c’est-à-dire de vous attirer à Lyon ; et je veux absolument croire qu’il en viendra à bout.

Quant à la négociation d’un très-aimable ambassadeur[1], je n’en connais pas de plus facile, et je vous aurai la plus grande obligation, à vous et à lui, du petit mot, en général, qu’il veut bien avoir la bonté de dire de lui-même. Il peut très-aisément, et sans se compromettre, encourager les sentiments favorables qu’on[2] me conserve ; il peut faire regarder comme une chose honnête, et même honorable, de recevoir un ancien camarade en poésie, en Académie, et non pas en visage. Il y a du mérite, il y a de la gloire à faire certaines actions, et tout cela peut être représenté sans être mendié, et sans autre dessein que de vouloir échauffer, dans le cœur d’un homme qui se pique de sentiments, les bontés dont votre aimable ambassadeur lui donne l’exemple. C’est d’ailleurs un plaisir de dire à un auteur que je suis un des plus ardents partisans de sa pièce[3], et que je la prône partout. Je ne veux point qu’on me donne un éloge. Je ne veux rien, mais je désire ardemment que votre ancien ami parle à votre ancien ami comme vous parleriez vous-même, et je vous prie de remercier d’avance votre ambassadeur.

Il faut que je vous confie, mon cher ange, que je vais passer quelques jours à la campagne, chez monseigneur l’électeur palatin. Je laisserai mes nièces se réjouir et apprendre des rôles de comédie pendant ma petite absence. Je ne peux remettre ce voyage ; il faut que, pour mon excuse, vous sachiez que ce prince m’a donné les marques les plus essentielles de sa bonté ; qu’il a daigné faire un arrangement pour ma petite fortune et pour celle de ma nièce ; que je dois au moins l’aller voir et le remercier. M. l’abbé de Bernis a bien voulu m’envoyer, de la part du roi, un passe-port dans lequel Sa Majesté me conserve le titre de son gentilhomme ordinaire, de façon que mon petit voyage se fera avec tous les agréments possibles. J’aimerais mieux, je vous en réponds, en faire un pour venir remercier Mme la princesse de Robecq de la bonté qu’elle a de m’accorder son suffrage. Elle a bien senti que rien ne devait être plus glorieux et plus consolant pour moi. C’est à vous que je dois l’honneur de son souvenir, et c’est par vous que mes remerciements doivent passer. Adieu, mon cher et respectable ami ; je pars dans quelques jours, et, à mon retour, je ne manquerai pas de vous écrire.

  1. Chauvelin.
  2. L’abbé de Bernis.
  3. Sans doute le traité de Versailles, en 1756.