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Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5152

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 349).
5152. — À M. ÉLIE DE BEAUMONT.
À Ferney. 21 janvier.

Notre ami commun M. Damilaville m’avait envoyé, monsieur, votre très-beau et très-solide discours, et je ne croyais pas l’avoir. Le titre m’avait trompé ; je viens enfin de m’apercevoir de mon erreur. J’ai vu votre nom à la trente-cinquième page, et je vous ai lu avec un plaisir extrême. Tout célibataire que je suis, j’avoue que vous faites très-bien de prêcher le mariage ; je suis aussi fort de votre avis sur les défrichements. Je me suis avisé de défricher, ne m’étant pas avisé de peupler ; mais voici comme je m’y suis pris. J’ai assemblé les propriétaires des terres abandonnées, et je leur ai dit : Mes amis, je vais défricher à mes frais, et quand la terre sera en valeur, nous partagerons.

Je n’ai point fait de citoyens, mais j’ai fait de la terre.

Je me flatte, monsieur, que vous serez célèbre pour avoir fait une bien meilleure action, pour avoir fait rendre justice à l’innocence opprimée et rouée[1]. Vous avez vu, sans doute, la lettre de la religieuse de Toulouse ; elle me paraît importante, et je vois avec plaisir que les sœurs de la Visitation n’ont pas le cœur si dur que messieurs. J’espère que le conseil pensera comme la dame de la Visitation.

Si vous voyez M. de Cideville, je vous prie de lui dire combien je l’aime. C’est un sentiment que vos ouvrages m’inspirent pour vous, qui se joint bien naturellement à l’estime infinie avec laquelle j’ai l’honneur d’être, etc.

  1. À la famille Calas.