Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5179

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 376-377).

5179. — À M. DEBRUS[1].

J’ai l’honneur de renvoyer à M. Debrus la lettre à M. Dumas, et j’ai pris la liberté d’ajouter quelques mots. Je ne sais point la demeure du fils de M. Lavaysse. Je supplie M. Debrus de lui faire parvenir ma réponse.

Une personne très-instruite m’a mandé qu’elle ne doutait pas que l’affaire ne fût renvoyée au conseil. Nous avons, en ce cas, tout lieu d’espérer que le sieur David sera au moins réprimandé, et peut-être condamné à payer les frais du procès si on l’attaque personnellement.

On me mande qu’il sera indispensable de faire paraître Pierre Calas, Lavaysse et la servante, et qu’il ne faudrait pas que cette servante eût demeuré chez moi, parce que malheureusement on ne sait que trop l’intérêt que j’ai pris à cette affaire ; nos ennemis auraient lieu de présumer que j’ai fait venir cette fille dans ma maison pour concerter ses réponses avec celles de Calas Pierre. J’ai trop de monde chez moi pour qu’elle y fût secrètement ; il est impossible que son séjour ne fût public. On sait de plus que je passe une partie de l’année dans le territoire de Genève ; les Senaux, les Labordes et Cassan[2], ne manqueraient pas de dire que cette servante est une huguenote déguisée qui a communié pendant trente ans pour se moquer de Dieu et des hommes.

Ces considérations me paraissent fortes et m’arrêtent ; je m’en rapporte à l’avis de M. Debrus, que j’embrasse de tout mon cœur.

  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. M. de Senaux était président, MM. de Lasbordes et Cassan, conseillers au parlement de Toulouse ; ce dernier fut le rapporteur qui conclut contre Jean Calas. Le premier surtout était d’un fanatisme aussi ardent qu’irréfléchi.

    En tout cas, le conseil qu’on donnait à Voltaire valait bien mieux que son projet (énoncé dans la lettre 5171). Il eut le bon esprit de s’y conformer. (Note du premier éditeur.)