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Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5255

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5255. — À M. LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI[1].
Aux Délices, 31 mars.

Je n’ai jamais été si fâché, monsieur, d’être réduit à ne pouvoir écrire de ma main. Je n’aime point à dicter ; il semble que le cœur perd toujours quelque chose. Quelles obligations ne vous ai-je point ? vous m’embellissez, vous flattez à la fois mon goût, mon amitié et mon amour-propre.

Permettez-moi de renouveler mes remerciements à M. Paradisi.

J’ai reçu, monsieur, deux lettres de vous, des 9 et 22 mars ; dans la dernière, vous m’ordonnez de répondre à ce que vous m’avez mandé touchant le Père Pacciaudi. Mais je n’ai jamais rien reçu de vous touchant ce religieux : je ne sais qui il est ; il faut que la lettre où vous m’en parlez se soit perdue. Vous me faites rougir en me parlant de l’honneur que vous faites à Sémiramis[2], conjointement avec M. l’abbé Fabri. Pourquoi n’ai-je ni la force de traverser les Alpes pour venir vous dire tout ce que vous m’inspirez, ni assez de génie pour vous le dire d’une manière digne de vous ? Mais il faut que j’achève ma vie dans le petit pays où est mon établissement. Je viens d’y marier la descendante du grand Corneille ; me voilà devenu père de famille. Ne pouvant marcher sur les traces de Corneille, je me suis fait son allié pour me consoler de n’être pas son imitateur. Je reste dans ma solitude, et je ne regrette Paris qu’à cause de M. Goldoni.

Comptez toujours, monsieur, sur les tendres et respectueux sentiments de votre très-humble et très-obéissant serviteur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. En la jouant en italien.