Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5273

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5273. — À M. LE CHEVALIER DE LA MOTTE-GEFRARD.
Avril.

J’ai lu, monsieur, la lettre de votre bacha[1] ; tout ce qui m’étonne, c’est qu’ayant été exilé dans l’Asie Mineure, il n’alla pas servir le sophi de Perse Thamas Kouli-kan ; il aurait pu avoir le plaisir d’aller à la Chine, en se brouillant successivement avec tous les ministres : sa tête me paraît avoir eu plus besoin de cervelle que d’un turban. Il y avait un peu de folie à vouloir se battre avec le prince Eugène, président du conseil de guerre ; c’est à peu près comme si un de nos officiers appelait en duel le doyen des maréchaux de France. Que ne proposait-il aussi un duel au grand vizir ? Cependant on pourrait tirer quelque parti de sa lettre, en élaguant les inutilités, en adoucissant les choses flatteuses qu’il dit de notre ambassadeur M. de Villeneuve, et en donnant quelques coups de lime au style grivois du bacha ; on lui passera tout, parce qu’il était un homme aimable.

Je voudrais bien être à portée, monsieur, de vous prouver avec quels sentiments respectueux j’ai l’honneur d’être, etc.

  1. M. de Bonneval, qui s’était fait Turc. (K.)