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Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5284

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 472-473).

5284. — À M. GOLDONI.
Aux Délices, 10 mai.

Je n’ai reçu que depuis peu de jours, monsieur, vos bienfaits. La personne qui m’avait tant dit de bien de la pièce dont vous avez gratifié Paris[1] ne m’avait pas trompé. Je ne me plains que de la peine que m’ont faite mes pauvres yeux en la lisant ; mais le plaisir de l’esprit m’a bien consolé des tourments de mes yeux. Je viens de relire l’Arventuriecre onorato, il Cavaliero di buon gusto, et la Locandiera[2]. Tout cela est d’un goût entièrement nouveau, et c’est, à mon sens, un très-grand mérite dans ce siècle-ci. Je suis toujours enchanté du naturel et de la facilité de votre style. Que j’aime ce bon et honnête aventurier ! que je voudrais vivre avec lui ! il n’y a personne qui ne voulût ressembler au cavaliero di buon gusto, et je suis toujours près de demander au marquis de Forlipopoli sa protection. En vérité, vous êtes un homme charmant.

Quand j’aurai l’honneur de vous faire parvenir mes rêveries, qui ne sont pas encore tout à fait prêtes, je ferai avec vous le marché des Espagnols avec les Indiens : ils donnaient de petits couteaux et des épingles pour de bon or.

Je reçois quelquefois des lettres de Lélius Albergati, l’ami intime de Térence. Heureux ceux qui peuvent se trouver à table entre Térence et Lélius !

Bonsoir, monsieur ; je vous aime et vous estime trop pour faire ici les plats compliments de la fin des lettres.

  1. l’Amour paternel ; voyez lettre 5198.
  2. Comédies de Goldoni.