Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5286

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 474-475).

5286. — À M. DAMILAVILLE.
11 mai.

Je vous ai écrit plusieurs fois, mon cher frère, et je ne vous ai envoyé d’autre paquet que celui qui était pour M. le comte de Bruc, chez M. le marquis de Bosmadec, à l’hôtel Bosmadec, rue de Sèvres, faubourg Saint-Germain. Je vois que vous ne l’avez pas reçu. Je vous ai prié[1] de parler à M. Janel, d’offrir le payement du paquet, et de redemander la lettre à vous adressée, qui était sous votre enveloppe. Je vous ai accusé la réception des livres que vous avez eu la bonté de me faire parvenir. Je vous ai demande s’il était vrai que M. d’Alembert vous eût fait toucher six cents livres.

Je vous ai surtout écrit au sujet de l’Histoire générale, et je vous ai prié, en dernier lieu, d’empécher l’ami Merlin de rien débiter avant que j’eusse vu les mémoires que M. le président de Meinières et M. l’abbé de Chauvelin ont la bonté de me fournir, et sur lesquels je compte rectifier les derniers chapitres.

Je vous ai encore prié de faire savoir à Protagoras qu’un Anglais était chargé d’une lettre pour lui. Voilà à peu près la substance de tout ce que j’ai mandé à mon frère depuis un mois. J’y ajoutais peut-être que l’infâme était traitée dans nos cantons comme elle le mérite, et que le nombre des fidèles se multipliait chaque jour : ce qui est une grande consolation pour les bonnes âmes.

Il est bien douloureux que la poste soit infidèle, et que le commerce de l’amitié, la consolation de l’absence, soient empoisonnés par un brigandage digne des housards. C’est répandre trop d’amertume sur la vie. Je me sers cette fois-ci de la voie de M. d’Argental, sous l’enveloppe de M. de Courteilles.

Il faut encore que je vous dise que je vous ai demandé des nouvelles de l’arrangement des finances. On nous a mandé que le parlement s’opposait aux vues de la cour, et que le roi pourrait bien tenir un lit de justice. Voilà ma confession faite.

Je suis toujours dans une grande inquiétude sur le paquet de M. de Bruc[2] ; nous vivons dans un bois rempli de voleurs.

Faut-il donc en France être oppresseur ou opprimé, et n’y a-t-il pas un état mitoyen ?

Je vous embrasse, mon frère, vous et les frères. Écrasez l’infâme.

  1. Voyez pape 471.
  2. Voyez la note, page 467.