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Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5462

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 34-35).

5462. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
19 novembre.

Mes chers anges, j’écrivais à M. Hume, lorsque j’ai été prévenu par sa lettre. Je lui envoie ces Remarques sur l’Histoire générale[1], que vous n’avez pas désapprouvées. J’y joins un nouvel exemplaire pour vous, qui pourrait aussi amuser M. le duc de Praslin, si ses dépêches lui laissaient le temps de lire.

J’y joins un très-petit morceau pour la Gazette littéraire ; il vous paraîtra assez curieux.

Mon neveu du grand conseil me mande que vous avez la bonté de me faire parvenir son Histoire de Jeanne[2] ; ce neveu-là a une belle vocation pour écrire l’histoire des catins ; il se prépare de l’occupation pour toute sa vie.

Comme je ne peux pas le payer en même monnaie, je lui envoie les Remarques sur l’Histoire générale, et le Traité sur la Tolérance, qui est, comme vous savez, d’un brave théologien que je ne connais pas. Je prends la liberté de m’adresser à vous pour lui faire tenir cette petite cargaison, accompagnée d’une lettre[3] qui est dans le paquet. J’abuse de vos bontés ; mais vous m’avez accoutumé à l’excès de votre indulgence. Nous vous prions, Mme Denis et moi, d’être plus que jamais les anges de Ferney. Nous n’avons pas un moment à perdre pour rappeler notre affaire au conseil du roi ; c’est le seul moyen de nous tirer d’embarras. Nous vous supplions de nous mander les intentions de M. le duc de Praslin ; cette affaire est pour nous de la dernière importance, toute la douceur de notre vie en dépend. Nous remettons notre destinée entre vos mains.

On parle d’une tragédie nouvelle qui a beaucoup de succès[4], et vous ne nous en dites rien. Vous croyez donc que nous ne nous intéressons pas au tripot ? Le coquin de janséniste vient d’imprimer un gros volume contre le théâtre ; les jésuites du moins ne se seraient pas rendus coupables de ce fanatisme. On nous a défaits des renards, et on nous a mis sous la dent des loups[5]. Moi, je me mets toujours à l’ombre de vos ailes.

  1. Tome XXIV, page 543.
  2. Histoire de Jeanne Ier, reine de Naples, par l’abbé Mignot, 1764, in-12. Ce neveu de Voltaire avait publié, en 1762, une Histoire de l’impératrice Irène.
  3. Elle manque.
  4. Le comte de Warwick, tragédie de La Harpe, avait été jouée le 7 novembre 1763.
  5. Voyez la fable sur les renards et les loups, lettre 5322.