Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5519

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Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 83-84).

5519. — À M. DE VÉGOBRE[1],
avocat à genève.
Ferney, 10 janvier 1764.

Je vous supplie, monsieur, de présenter mes remerciements à monsieur votre frère et à tous ceux de son pays qui veulent bien avoir pour moi quelque sensibilité. Mon plus grand chagrin est de ne pouvoir être aussi utile que je le voudrais. Je suis presque borné à faire des vœux, mais je les fais au moins avec la plus grande sincérité. Je ne désespère point du tout que la cour ouvre enfin les yeux sur la manière dont on peut adoucir la révocation de l’édit de Nantes ; mais les finances pressent plus que la religion. Cet article des finances peut devenir encore un motif bien intéressant pour faire revenir une partie de vos tribus dispersées. On s’apercevra que l’argent huguenot est aussi bon que l’argent catholique, et qu’une terre cultivée par des mains qui ne font pas le signe de la croix rapporte d’aussi bon blé que si elle était labourée par des moines. Puisse l’esprit persécuteur rentrer à jamais dans l’enfer dont il est sorti !

Continuez-moi, je vous prie, vos bontés : vous savez combien elles me sont précieuses. V.

  1. Dernier Volume des œuvres de Voltaire, 1862.