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Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5567

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Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 132-133).

5567. — À M. D’ALEMBERT.
18 février.

Tu dors, Brutus ! et Crevier veille[1].


Souffrirez-vous, mon cher et intrépide philosophe, que ce cuistre de Crevier[2] attaque si insolemment Montesquieu dans les seules choses où l’auteur de l’Esprit sur les lois[3] a raison ? N’est-ce pas vous attaquer vous-même, après le bel Éloge[4] que vous avez fait du philosophe de Bordeaux ? Le malheureux Crevier vous désigne assez visiblement dans sa sortie contre les philosophes, à la fin de son ouvrage. Vous devez le remercier, car il vous fournit le sujet d’un ouvrage excellent ; et vous pouvez, en le réfutant avec le mépris qu’il mérite, dire des choses très-utiles, que votre style rendra très-intéressantes. C’est à vous de venger la raison outragée.

On dit que le parlement de Toulouse refuse d’enregistrer la déclaration du roi qui ordonne le silence ; on ne vous l’a pas ordonné. Daignez travailler pour l’instruction des honnêtes gens et pour la confusion des sots. Je vous embrasse très-tendrement, et je me recommande à vos prières.

  1. Parodie du vers de la Mort de César, acte II, scène ii :

    … Tu dors, Brutus ! et Ruine est dans les fers !

  2. Voyez page 106.
  3. Expression de Mme du Deffant ; voyez tome XX, page 45 ; et XXIII, page 533.
  4. Dans les Mélanges de littérature, etc., par d’Alembert, et dans ses Œuvres.