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Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6257

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 206-207).

6257. — À M. LE MARQUIS DE XIMENÉS.
Ferney, 3 février.

Je n’ai rien à vous mander, monsieur le marquis, et cependant je vous écris. J’ai pensé mourir de froid et de fluxion de poitrine. Je ne suis pas encore tout à fait en vie ; mes dernières volontés sont que vous ayez la bonté de faire rendre les deux chiffons ci-joints à vos deux protégés, MM. de La Harpe et de Chamfort. Je vous serai très-obligé de vouloir bien être mon exécuteur testamentaire. Je vous prie par ce codicille de continuer à être inflexible sur les mauvais ouvrages et sur le mauvais goût ; de juger des choses malgré les noms, de ne jamais souffrir le galimatias, se trouvât-il dans Pierre Corneille ; de trouver le roman de Julie[1] détestable au nez des dames qui l’admiraient en baillant, etc., etc.

Je me fais faire un petit tombeau dans mon cimetière. Pompignan se ferait enterrer sur le maître-autel. Vous ferez, s’il vous plaît, mon épitaphe, et vous y direz que je pensais comme vous. Vivez heureux !

  1. C’est sous le nom de Ximenès que Voltaire avait donné une critique de ce roman de J.-J. Rousseau ; voyez tome XXIV, page 165.