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Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6491

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 417-418).

6491. — À M. DEODATI DE TOVAZZI.
À Ferney, 9 septembre.

Vous souviendrez-vous, monsieur, qu’à l’occasion de votre Dissertation sur la langue italienne, j’eus l’honneur de recevoir quelques lettres de vous, et de vous répondre[1] ? On vient d’imprimer une de mes lettres à Amsterdam, sous le nom de Genève, dans un recueil de deux cents pages.

Ce recueil contient plusieurs de mes lettres, presque toutes entièrement falsifiées. Celle que je vous adressai de Ferney, le 24 de janvier 1761, est défigurée d’une manière plus maligne et plus scandaleuse que les autres. On y outrage indignement un général d’armée[2], ministre d’État, dont le mérite est égal à la naissance. Il est, ce me semble, de votre intérêt, monsieur, du mien, et de celui de la vérité, de confondre une si horrible calomnie. Voici comme je m’explique sur la valeur de ce général :

« Nous exprimerions encore différemment l’intrépidité tranquille que les connaisseurs admirèrent dans le petit-neveu du héros de la Valteline, etc. »

Voici comme l’éditeur a falsifié ce passage :

« Nous exprimerions encore différemment l’intrépidité tranquille que quelques prétendus connaisseurs admirèrent dans le plus petit-neveu du héros de la Valteline, lorsque ayant vu son armée en déroute par la terreur panique de nos alliés à Rosbach qui causa pourtant la nôtre, ce petit-neveu ayant aperçu, etc. »

Cet article, aussi insolent que calomnieux, finit par cette phrase non moins falsifiée : « Il eut encore le courage de soutenir tout seul les reproches amers et intarissables d’une multitude toujours trop tôt et trop bien instruite du mal et du bien. »

Une telle falsification n’est pas la négligence d’un éditeur qui se trompe, mais le crime d’un faussaire qui veut à la fois décrier un homme respectable et me nuire. Il vous nuit à vous-même, en supposant que vous êtes le confident de ces infamies. Vous ne refuserez pas sans doute de rendre gloire à la vérité. Je crois nécessaire que vous preniez la peine de me certifier que ce morceau de ma lettre, depuis ces mots, nous exprimerions, jusqu’à ceux-ci, du mal et du bien, n’est point dans la lettre que je vous écrivis ; qu’il y est absolument contraire, et falsifié de la manière la plus lâche et la plus odieuse. Je recevrai avec une extrême reconnaissance cette justice que vous me devez ; et le prince qui est intéressé à cette calomnie sera instruit l’honnêteté et de la sagesse de votre conduite, dont vous avez déjà donné des preuves[3].

Recevez celles de mon estime, et de tous les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, etc.

  1. Voyez la lettre du 24 janvier 1761, tome XLI, page 166 ; et tome VIII, les Stances datées du 1er février 1761.
  2. Le prince de Soubise. — Voyez tome XLI, page 170.
  3. Le certificat de M. de Tovazzi a été imprimié dans les journaux. (K.) — Voyez tome XXV, page 581.