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Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6612

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 533-534).

6612. — À M. LE MARQUIS DE VILLEVIEILLE.
14 décembre.

J’ai reçu votre petit billet de Valence, mon cher marquis, et je vous écris à tout hasard à Valence. Je suis enchanté que vous vous confirmiez de plus en plus dans vos bons principes ; mais la maison du Seigneur est entourée d’ennemis, et il y a bien des indiscrets dans le temple. Vous souvenez-vous d’une réponse que je vous fis lorsque vous étiez à Nancy ? Je faisais des compliments au brave confiseur qui vendait vos dragées : vous envoyâtes ma lettre[1] à un de vos élus de Paris, et cet élu très-indiscret m’a damné en faisant courir ma lettre. J’en ai reçu des reproches de la part des préposés aux confitures, et je crois le confiseur très-embarrassé. Tâchez que l’enfer où je suis se tourne au moins en purgatoire : je ne crois pas en effet avoir fait des compliments à un confiseur que je ne connais pas. Mandez que cette lettre n’est pas de moi, car assurément elle n’est pas de moi, et vous ne mentirez pas. Mandez que vous vous êtes trompé ; mandez que ce n’est pas assez d’avoir l’innocence de la colombe, et qu’il faut encore avoir la prudence du serpent[2]. Marchez toujours dans les voies du juste : distribuez la parole de Dieu, le pain des forts ; faites prospérer la moisson évangélique : recevez ma bénédiction, et vivez dans l’union des fidèles.

  1. Le marquis de Villevieille était à Nancy en décembre 1765 ; il y était encore en juin et juillet 1766 ; voyez lettres 6049, 6360, 6416. Si ce n’est pas de cette dernière lettre que parle Voltaire, c’est d’une qui est perdue.
  2. Matthieu, x,16.