Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6670

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6670. — À FRÉDÉRIC,
landgrave de hesse-cassel.
À Ferney, le 13 janvier.

Monseigneur, comme je sais que vous aimez passionnément les hypocrites, je prends la liberté de vous envoyer pour vos étrennes un petit Éloge de l’Hypocrisie[1], adressé à un digne prédicant de Genève. Si cela peut amuser Votre Altesse sérénissime, l’auteur, quel qu’il soit, sera trop heureux.

Votre Altesse sérénissime est informée, sans doute, de la guerre que les troupes invincibles de Sa Majesté très-chrétienne font à l’auguste république de Genève. Le quartier général est à ma porte. Il y a déjà eu beaucoup de beurre et de fromage d’enlevé, beaucoup d’œufs cassés, beaucoup de vin bu, et point de sang répandu. La communication étant interdite entre les deux empires, je me trouve bloqué dans ce petit château que Votre Altesse sérénissime a honoré de sa présence. Cette guerre ressemble assez à la Secchia rapita ; et si j’étais plus jeune, je la chanterais assurément en vers burlesques[2]. Les prédicants, les catins, et surtout le vénérable Covelle, y joueraient un beau rôle. Il est vrai que les Genevois ne se connaissent pas en vers ; mais cela pourrait réjouir les princes aimables qui s’y connaissent. La seule chose que j’ambitionne à présent, monseigneur, ce serait de venir au printemps vous renouveler mes sincères hommages.

J’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Voyez cette pièce, tome X, parmi, les Satires.
  2. Voltaire a chanté la Guerre civile de Genève ; voyez tome IX.