Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6721

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 89-90).
6721. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
4 février.

Il y a environ cinquante ans, mon chevalier, que j’ai eu l’honneur de jouer aux échecs avec monsieur le vice-chancelier[1] ; mais il me gagnait, comme de raison. J’étais attaché à toute sa maison. Il y avait surtout un certain évêque de…[2], grand philosophe et très-savant, qui m’honorait de la plus sincère amitié. Un vice-chancelier ne se souvient pas de tout cela, mais les petits ne l’oublient pas. J’ai le cœur pénétré de ses bontés, et de la justice qu’il a rendue dans l’affaire qui m’intéressait par contre-coup.

Je prends la liberté de lui écrire quatre mots[3], car il ne faut pas de verbiage pour les hommes en place. On donne à la Chine vingt coups de latte à ceux qui écrivent aux ministres des lettres trop longues et du galimatias.

Je vous écrirais bien au long, à vous, mon chevalier, si j’en croyais mon cœur, qui est bavard de son naturel ; je vous dirais combien je suis enchanté de vous et de vos bons offices ; mais la guerre de Genève, les embarras qu’elle cause, les effroyables neiges qui m’environnent, la fièvre, les rhumatismes, imposent silence à ma bavarderie. Cependant il faut que je vous demande si vous avez entendu la musique de Pandore[4], de M. de La Borde.

Vous me permettez donc de vous embrasser sans cérémonie.

  1. René-Charles de Maupeou ; voyez tome XVI, page 107.
  2. Le nom était sans doute en blanc dans la lettre de Voltaire. Je pense qu’il faut lire Lombez. Charles-Guillaume de Maupeou était évêque de cette ville en 1720.
  3. Cette lettre à Maupeou manque.
  4. Opéra de Voltaire ; voyez tome III. On en avait, le 14 mars, fait sur le théâtre des Menus-Plaisirs une répétition avec la musique de La Borde.