Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6780

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 147-148).

6780. — À M. ÉLIE DE BEAUMONT.
À Ferney, le 4 mars.

Mes yeux ne me permettent pas d’écrire, mon cher Cicéron ; je n’ai pas actuellement auprès de moi celui[1] qui vous fait d’ordinaire mes remerciements ; mais vous n’en verrez pas moins que j’ai reçu votre mémoire. Nous l’avons lu, nous avons pleuré. Ou les hommes seront de bronze, ou les Sirven seront justifiés comme les Calas. La consultation est de la plus grande habileté, et d’une bienséance qui fera beaucoup d’honneur à celui qui l’a rédigée. La victoire me paraît sûre. Les protestants et les catholiques vous béniront également, et personne assurément ne vous enviera la terre de Canon[2]. On dira qu’il est bien permis au défenseur de l’humanité de se défendre lui-même, et de réclamer le bien des ancêtres de sa femme.

Je vous prie de vouloir bien me faire envoyer un second exemplaire par M. Damilaville. Le premier sera pour messieurs du conseil de Berne ; le second sera signé par Sirven et ses filles. Messieurs de Berne doivent en avoir un, parce qu’ils ont promis de continuer aux Sirven la petite pension qu’ils veulent bien leur faire pendant qu’ils poursuivront leur procès à Paris, et qu’ils ont mis pour condition qu’ils verraient le mémoire par lequel ils seraient appelés à venir auprès de vous. Je vous enverrai Sirven et une de ses filles aussitôt que vous l’ordonnerez. Il y en a une qui est incapable de faire le voyage.

Je ne puis trop vous réitérer mes tendres remerciements. Je vous embrasse cent fois, sage et éloquent vengeur de l’innocence.

  1. Wagnière.
  2. Voyez tome XLIV, page 454.