Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6977

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 347-348).
6977. — À M. DAMILAVILLE.
12 auguste.

Je crois qu’il faut laisser imprimer le Mémoire[1] qui devait précéder la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV. C’est une affaire qui n’est pas seulement littéraire, elle est personnelle à plusieurs grandes maisons du royaume, qui m’ont témoigné leur indignation contre ce malheureux La Beaumelle. Ses calomnies, peut-être peu connues à Paris, sont répandues dans les pays étrangers. Il m’a traité comme Louis XIV, et je ne suis pas roi. Un pauvre particulier doit se défendre ; il doit décrier au moins le témoignage de son ennemi.

Je ne reviens point de mon étonnement, quand mes amis me disent qu’il faut mépriser de telles impostures. Je n’entends pas quel honneur il y a de se laisser diffamer, et je suis bien persuadé qu’aucun de ceux qui me disent : Gardez le silence, ne le garderait à ma place.

Voici une grâce que je vous demande. M. Diderot peut vous dire dans quel temps il croit qu’on ait écrit le Mercure trismégiste[2] que nous avons en grec. Je ne sais si je me trompe, mais ce livre me paraît de la plus haute antiquité, et je le crois fort antérieur à Timée de Locres. Engagez le Platon moderne à me donner sur cela quatre lignes d’éclaircissement, que vous me ferez parvenir. Il y a loin de Mercure trismégiste à La Beaumelle, mais il faut répondre à tout.

Adieu, mon cher ami ; je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. Celui qui est tome XXVI, page 355.
  2. Voyez tome XIX, page 340 ; et tome XXX, le paragraphe xx du Commentaire sur l’Esprit des lois.