Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7004
Je reçois, monsieur, votre lettre du 29 d’auguste. Tous les paquets arrivent de Paris en pays étranger, mais rien n’arrive de nos cantons à Paris.
Je vois très-souvent votre ami, qui vous aime tendrement. Il voudrait bien avoir le Panégyrique de Louis IX[1]; mais je crois que l’impératrice russe méritera un plus beau panégyrique. Quelle époque, mon cher monsieur ! elle force les évêques sarmates à être tolérants, et vous ne pouvez en faire autant des vôtres. Ô Welches ! pauvres Welches ! quand l’étoile du Nord pourra-t-elle vous illuminer ?
Savez-vous bien qu’on fait actuellement des vers à Pétersbourg mieux qu’en France ? savez-vous, mes pauvres Welches, que vous n’avez plus ni goût ni esprit ? Que diraient les Despréaux, les Racine, s’ils voyaient toutes les barbaries de nos jours ? Les barbares Illinois[2] l’ont emporté sur le barbare Crébillon ; le barbare[3]… le dispute aux Illinois par-devant l’auteur de Childebrand[4]. Ah ! polissons que vous êtes ! combien je vous méprise !
Nous avons du moins chez nous deux hommes[5] qui ont du goût, et c’est ce qui se trouvera difficilement à Paris. La nation m’indigne.
Bonsoir, mon cher monsieur ; vous avez dans mon voisinage un ami qui vous aime avec la plus vive tendresse, tout vieux qu’il est. On dit que les vieillards n’aiment rien : cela n’est pas vrai. Voici un petit billet qu’on m’a donné pour M. Lembertad.
- ↑ Par Bassinet ; voyez la note 2, page 363.
- ↑ Hirza, ou les Illinois, tragédie de Sauvigny ; voyez lettre 6883.
- ↑ D’après ce que Voltaire a dit dans la lettre 7000, le nom laissé ici en blanc est sans doute celui de Le Mierre, ou celui de son Guillaume Tell.
- ↑ Childebrand est une tragédie de Morand, auteur dont nous avons parlé tome XXXVII, page 463.
- ↑ La Harpe et Chabanon, alors à Ferney.