Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7099

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 456-457).
7099. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
16 décembre.

Mon cher marquis, je vous ai écrit une lettre bien chagrine[1] ; mais j’en ai reçu une de M. le duc de Duras si plaisante, si gaie, si pleine d’esprit, que me voilà tout consolé. Il est bien avéré que Mlle Dubois a joué à la pauvre Durancy un tour de maître Gonin[2] ; mais il n’est pas moins avéré que le tripot tragique est à tous les diables. Il faut que je sois une bonne pâte d’homme, bien faible, bien sotte, pour m’y intéresser encore. La seule ressource peut-être serait d’engager Mlle Clairon à reparaître ; mais où trouver des hommes ? Elle serait là comme Mme Gigogne, qui danse avec de petits polichinelles de trois pouces de haut.

Vous n’avez que Lekain ; mais on dit qu’il a une maladie qui n’est pas favorable à la voix.

Je vous recommande à la Providence.

Le théâtre n’est pas la seule chose qui m’embarrasse ; j’ai quelques autres chagrins en prose et en arithmétique.

Je vous prie de communiquer ma lettre à M. d’Argental. Adieu, mon cher marquis ; le bon temps est passé.

  1. Elle manque.
  2. La Mésangère, dans son Dictionnaire des Proverbes français, parle de deux Gonin ; le père divertissait la cour de François Ier ; le fils, plus habile, vivait sous Charles IX. Tous deux sont cités par Brantôme ; leur nom signifie plus que fin et rusé.