Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7152

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 506-507).
7152. — À M. DAMILAVILLE.
27 janvier.

Mon cher ami, il y a deux points importants dans votre lettre du 18, celui de M. le duc de Choiseul et celui de M. d’Ormesson. Je pris la liberté d’écrire à M. le duc de Choiseul, il y a plus de deux mois, à la fin d’une lettre de six pages[1], ces propres paroles : « J’aurais encore la témérité de vous supplier de recommander un mémoire d’un de mes amis intimes à monsieur le contrôleur général, si je ne craignais que la dernière aventure de monsieur le chancelier ne vous eût dégoûté. Mais, si vous m’en donnez la permission, j’aurai l’honneur de vous envoyer le mémoire ; c’est pour une chose très-juste, et il ne s’agit que de lui faire tenir sa promesse. » M. le duc de Choiseul ne m’a point fait de réponse à cet article.

Quant à M. d’Ormesson, puisque vous m’apprenez qu’il est le fils de celui que j’avais connu autrefois, je lui écris une lettre[2] qui ne peut faire aucun mal, et qui peut faire quelque bien. En voici la copie.

À l’égard des nouveautés de Hollande, que M. Boursier peut vous faire tenir pour votre petite bibliothèque, il m’a dit qu’il ne pouvait vous les envoyer dans les circonstances présentes qu’autant qu’il serait sûr que vous les recevriez ; il craint qu’il n’y en ait quelques-unes de suspectes, et qu’elles ne vous causent quelques chagrins. Comme j’ignore absolument de quoi il s’agit, je ne puis vous en dire davantage.

Notre peine, mon cher ami, ne sera pas perdue, si M. Chardon rapporte enfin l’affaire de Sirven. Que ce soit en janvier ou en février, il n’importe ; mais il importe beaucoup que les juges ne s’accoutument pas à se jouer de la vie des hommes.

On dit qu’il y a en Hollande une relation du procès et de la mort du chevalier de La Barre, avec le précis de toutes les pièces adressées au marquis Beccaria[3]. On prétend qu’elle est faite par un avocat au conseil ; mais on attribue souvent de pareilles pièces à des gens qui n’y ont pas la moindre part. Cela est horrible. Les gens de lettres se trahissent tous les uns les autres par légèreté. Dès qu’il paraît un ouvrage, ils crient tous : C’est de lui ! c’est de lui ! Ils devraient crier au contraire : Ce n’est pas de lui, ce n’est pas de lui ! Les gens de lettres, mon cher ami, se font plus de mal que ne leur en font les fanatiques. Je passe ma vie à pleurer sur eux.

Adieu ! Consolons-nous l’un l’autre de loin, puisque nous ne pouvons nous consoler de près.

M. Brossier enverra incessamment ce que vous demandez.

Écrlinf[4].

Voici une lettre d’une fille de Sirven pour son père.

  1. Cette lettre manque.
  2. Cette lettre manque aussi.
  3. Voyez tome XXV, page 501.
  4. C’est-à-dire écrasez l’infâme. Les érudits ne sont pas d’accord sur la signification de ce cri de guerre. Plusieurs prétendent que l’infâme est la bête féroce qui désole l’Europe depuis le règne de Constantin, mal à propos et injustement surnommé le Grand, et qui exerce en ce moment ses ravages en Pologne. Comme le patriarche s’était accoutumé à signer toutes ses lettres, par abréviature, Écrlinf,