Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7319

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 102-103).
7319. — DE MADAME DE HORN[1].
24 août.

C’est au chantre de Fontenoy que la fille du maréchal de Saxe s’adresse pour obtenir du pain. J’ai été reconnue ; madame la dauphine a pris soin de mon éducation après la mort de mon père. Cette princesse m’a retirée de Saint-Cyr pour me marier à M. de Horn, chevalier de Saint-Louis et capitaine au régiment de Royal-Bavière. Pour ma dot, elle a obtenu la lieutenance de roi de Schlestadt. Mon mari, en arrivant dans cette place, au milieu des fêtes qu’on nous y donnait, est mort subitement. Depuis, la mort m’a enlevé mes protecteurs, monsieur le dauphin et madame la dauphine.

Fontenoy, Raucoux Lawfelt, sont oubliés. Je suis délaissée. J’ai pensé que celui qui a immortalisé les victoires du père s’intéresserait aux malheurs de la fille. C’est à lui qu’il appartient d’adopter les enfants du héros et d’être mon soutien, comme il est celui de la fille du grand Corneille. Avec cette éloquence que vous avez consacrée à plaider la cause des malheureux, vous ferez retentir dans tous les cœurs le cri de la pitié, et vous acquerrez autant de droits sur ma reconnaissance que vous en avez déjà sur mon respect et sur mon admiration pour vos talents sublimes.

  1. MM. de Cayrol et François ont publié cette lettre et la lettre 7329 avec la note suivante :

    « On doit la connaissance de ces deux lettres à un de nos plus célèbres écrivain, Mme G. Sand. Elle y ajoute quelques lignes qui suppléent bien heureusement à une note de l’éditeur :

    « Ma grand’mère (Aurore de Saxe, comtesse de Horn) se trouva réduite à une petite pension de la dauphine, qui même manqua tout à coup un beau jour. Ce fut à cette occasion qu’elle écrivit à Voltaire, et qu’il lui répondit une lettre charmante, dont elle se servit auprès de la duchesse de Choiseul. »