Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7349

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 132-133).
7349. — À M. DE LALANDE[1].
1er octobre.

Les intendants, monsieur, sont faits, à ce que je vois, pour vexer les pauvres cultivateurs ; ils vous ont enlevé à moi. Je ne peux pourtant pas blâmer monsieur l’intendant de Bourgogne[2]. Si j’avais été à sa place, je vous assure que j’en aurais fait autant que lui. Comme il est de très-bonne compagnie, il est bien juste qu’il l’aime.

C’est bien dommage, monsieur, que ce qui arrive aujourd’hui en Italie ne soit pas arrivé quand vous y étiez. Vous auriez ajouté un tome bien curieux à vos huit volumes[3]. La bulle In cœna Domini, proscrite par la dévote reine de Hongrie ; le pape enrôlant des soldats ; les femmes poursuivant les enrôleurs à coups de pierres, et criant qu’on enrôle des jésuites, et qu’on leur rende leurs amants ; les Romains se moquant universellement de Rezzonico ; le pape s’amusant à faire des saints dans le temps qu’on lui prend ses villes[4] : tout cela forme un tableau qui méritait d’être peint par vous, puisque vous avez eu la bonté de mêler l’étude des folies de la terre à celle des phénomènes du ciel.

Nous saurons donc, l’année qui vient, à quelle distance nous sommes du soleil ; j’espère que nous saurons aussi à quel point nous sommes éloignés de la superstition.

Si vous voyez votre très-aimable commandant[5], je vous prie de me mettre à ses pieds.

Vous ne doutez pas que j’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Joseph-Jérôme Le Français de Lalande, né à Bourg-en-Bresse le 11 juillet 1732, mort le 4 avril 1807.
  2. Amelot de Chaillou.
  3. Voyage d’un Français en Italie, fait dans les années 1765 et 1766, huit volumes in-12.
  4. Voyez lettre 7290.
  5. M. de Jaucourt. (K.)