Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7394

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 169-170).

7394. — À CATHERINE II,
impératrice de russie.
À Ferney, 15 novembre.

Madame, j’eus l’honneur de dépêcher à Votre Majesté impériale, le 15 mars dernier, à l’adresse du sieur B. Le Maistre, à Hambourg, un assez gros ballot, marqué I.D.R., No 1.

Votre Majesté a des affaires un peu plus importantes que celles de ce ballot. D’un côté elle force les Polonais à être tolérants et heureux, en dépit du nonce du pape ; et de l’autre elle paraît avoir affaire aux musulmans, malgré Mahomet. S’ils vous font la guerre, madame, il pourra bien leur arriver ce que Pierre le Grand avait eu autrefois en vue, c’était de faire de Constantinople la capitale de l’empire russe. Ces barbares méritent d’être punis, par une héroïne, du peu d’attention qu’ils ont eu jusqu’ici pour les dames. Il est clair que des gens qui négligent tous les beaux-arts, et qui enferment les femmes, méritent d’être exterminés. J’espère tout de votre génie et de votre destinée. Moustapha ne doit pas tenir contre Catherine. On dit que Moustapha n’a point d’esprit, qu’il n’aime point les vers, qu’il n’a jamais été à la comédie, et qu’il n’entend point le français ; il sera battu, sur ma parole. Je demande à Votre Majesté impériale la permission de venir me mettre à ses pieds, et de passer quelques jours à sa cour dès qu’elle sera établie à Constantinople : car je pense très-sérieusement que si jamais les Turcs doivent être chassés de l’Europe, ce sera par les Russes. L’envie de vous plaire les rendra invincibles.

Que Votre Majesté daigne agréer les souhaits et le profond respect de votre admirateur, de votre très-zélé, très-ardent serviteur.

    barbouillé quelque chose sur la cause physique des passions, et exprime le désir que Voltaire fasse parvenir son travail au Journal encyclopédique.