Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier/7/1766/Octobre

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Texte établi par Maurice Tourneux, Garnier frères (7p. 130-153).

OCTOBRE.

1er octobre 1766.

M. de La Michaudière, intendant de la généralité de Rouen, à laquelle il a passé après avoir exercé successivement l’intendance d’Auvergne et de Lyon, vient de faire publier par un M. Messance, receveur des tailles, des Recherches sur la population des généralités d’Auvergne, de Lyon, de Rouen, et de quelques provinces et villes du royaume[1]*. Cet écrit, qui fait un volume in-4o de trois cent trente pages, a pour objet de prouver que depuis environ soixante ou quatre-vingts ans la population du royaume est considérablement augmentée. Assertion contraire à toutes les remontrances que tous les parlements ont faites au roi depuis une quinzaine d’années, à toutes les idées répandues dans tous les écrits politiques qui ont paru dans le même espace de temps, et à l’opinion généralement reçue et parmi les hommes éclairés et parmi le peuple. Il sera cependant difficile d’affaiblir les preuves sur lesquelles M. de La Michaudière a fondé son assertion. Ce magistrat a fait prendre un relevé des baptêmes et des mariages dans les registres des différentes paroisses des trois généralités ci-dessus nommées, pendant les dix ou douze premières années de ce siècle, ou les dix ou douze années qui l’ont précédé ; et puis il a comparé ce relevé au relevé des baptêmes et mariages des dix ou douze dernières années de notre temps des mêmes paroisses. Le résultat de la comparaison de ces deux relevés est que la population de la France, dans la seconde époque, est plus forte que dans la première de vingt-un mille trois cent cinquante naissances, c’est‑à‑dire que la population de la France, depuis environ quatre‑vingts ans, a reçu un accroissement de plus du dixième.

Quoique, dans ses calculs, M. de La Michaudière ait donné la préférence aux moindres villes sur les villes les plus considérables, parce que ces dernières peuvent avoir des causes d’accroissement fortuit et passager qui ne prouvent rien, ou qui prouvent même la dépopulation de l’État, j’aurais voulu, pour le dire en passant, qu’il eût plutôt pris le relevé des naissances dans les villages de ces généralités, parce qu’en comparant les deux époques on aurait pu juger s’il y a en effet quelque réalité à l’opinion généralement reçue que les campagnes se dépeuplent, tandis que les habitants augmentent dans les villes. Dans le fait, je crois que la question de la population n’a pas encore été envisagée sous son véritable point de vue, et qu’il s’en faut bien qu’elle soit éclaircie. Les hommes n’ont, dans aucune science, aussi puissamment déraisonné que dans la science du gouvernement et de l’administration des États. Il est incontestable que la grande population est un signe de bonheur et de prospérité, et de la bonté du gouvernement. Partout où les hommes se trouvent bien, il ne reste point de place vide. Jamais, sous la tyrannie de l’Espagne, les marais de Hollande ne se seraient couverts de villes riches et florissantes qui regorgent d’habitants. La liberté batave a produit ce miracle ; et s’il n’avait pas fallu cent années d’industrie et d’efforts contre la monarchie la plus formidable de l’Europe, et contre la puissance encore plus formidable des éléments, jamais la puissance des Provinces-Unies n’aurait existé. Mais un mauvais gouvernement ne dépeuple pas ses États dans la même proportion qu’un bon gouvernement remplit les siens. Il faut tourmenter les hommes longtemps ; il faut surtout les attaquer dans cette portion de liberté naturelle qu’aucun homme, quand même il le voudrait, ne peut engager à son souverain, et que son souverain n’a nul véritable intérêt de lui enlever ; il faut les vexer cent ans de suite pour des opinions indifférentes, pour des formules absurdes, pour des pratiques ridicules ; il faut les livrer sans retour à l’exaction et à la rapine journalière du financier qui transige avec son prince de la sueur de ses sujets, avant de les déterminer à changer de sol, surtout si leur sol natal a les avantages d’un climat doux et favorable. L’acte de la propagation est d’ailleurs si conforme au vœu de la nature, elle y invite par un attrait si puissant, si répété, si constant, qu’il est impossible que le grand nombre lui échappe. Il ne faut qu’un instant pour former un homme ; et tous les instants, depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin, y étant également propres, si vous combinez ce retour perpétuel de l’occasion avec le penchant qui y entraîne, vous trouverez que, malgré toutes les résolutions et les systèmes contraires, il est impossible que les hommes trompent le vœu de la nature d’une manière capable d’influer sensiblement sur la population. S’il est donc vrai qu’un accroissement de population soit un effet certain d’un bon gouvernement, il ne paraît pas aussi constant qu’un mauvais gouvernement produise toujours la dépopulation.

Tous les écrivains politiques mettent le luxe à la tête des causes principales qui dépeuplent un État. Sans examiner ce que c’est que le luxe, et s’il est possible de l’empêcher, je conviens qu’il existe, parmi les nations où il s’est glissé, une classe de citoyens qui, jouissant d’une fortune bornée et n’ayant pas l’espérance de l’augmenter, craignent effectivement de faire des enfants et d’être chargés des soins d’une famille ; mais il faut considérer que cette classe se réduit à un très-petit nombre, qui n’est rien relativement à la totalité de la nation. Il faut considérer encore que le luxe entraîne surtout l’inégalité des fortunes, qu’il partage une nation en trois classes : la première, et la plus petite, jouit d’une richesse immense ; la seconde, peu considérable aussi, jouit d’une fortune médiocre et bornée ; la troisième, infiniment supérieure aux deux autres et la plus nombreuse, est dans la misère, et n’a pour s’en tirer que son travail et son industrie. Or, si cette misère devient extrême, s’il est impossible au plus grand nombre de s’en affranchir, la population, bien loin d’en souffrir, y gagnera. Il est d’expérience que ce ne sont pas les gueux ni les esclaves qui redoutent d’avoir des enfants ; au contraire, rien ne peuple comme eux : ils n’ont rien à perdre, ils ne sauraient rendre leur condition pire qu’elle n’est. Pourquoi se refuseraient-ils au seul plaisir qu’il leur est permis de goûter ? Il ne faut pas non plus croire qu’il périt un plus grand nombre d’enfants élevés dans la misère que de ceux qui sont élevés avec des soins et de la recherche ; l’expérience de ceux qui sont à portée d’examiner ces phénomènes est contraire à cette opinion. Ainsi, non-seulement le luxe ne dépeuple pas, mais lorsqu’il est extrême, c’est-à-dire lorsque l’inégalité des fortunes est sans bornes et sans proportion, il peut devenir une cause de population ; et l’on peut dire, avec la même vérité, qu’un gouvernement mauvais, à un certain point et d’une certaine manière, non-seulement ne dépeuple pas ses États, mais que ses vices même les plus funestes peuvent occasionner un accroissement de population.

Si un pays peut manquer d’hommes, il est évident que tel autre peut en avoir trop, parce qu’enfin les moyens de subsister, dans un certain espace limité, ne sont pas sans bornes. Il est donc désirable, pour un tel pays, d’être débarrassé du trop grand nombre d’hommes dont il est surchargé, et il s’établit nécessairement, et sans qu’aucune puissance humaine puisse l’empêcher, une émigration avantageuse même au pays dont on sort. Pourquoi donc ces lois pénales qu’on publie depuis quelque temps de toutes parts contre les émigrations ? Ces lois ne prouvent autre chose, sinon qu’il existe dans les États où elles sont promulguées, quelque vice, quelque absurdité, quelque ineptie ou religieuse ou politique, qui en chasse les hommes malgré qu’ils en aient : sans cela, l’émigration qui se ferait d’un pays n’y causerait jamais de vide, ou ce vide y serait incessamment rempli de nouveau. Ainsi, dans un pays bien gouverné, il n’existe à coup sûr aucune loi contre l’émigration.

Qu’importe à un gouvernement que le pays de sa domination regorge d’habitants, pourvu que ceux qui l’occupent soient heureux, et soient assez pour pouvoir se défendre contre l’ennemi ? Ne vaut-il pas même mieux qu’il n’y ait en France que seize millions d’hommes, mais bien vêtus, bien logés, bien nourris, bien à leur aise, que vingt millions qui ne seront certainement pas si heureux, puisque enfin il faudra retrouver la subsistance des quatre millions d’hommes en sus aux dépens des seize millions, et en diminuer d’autant leur aisance ? Voilà un des plus insignes sophismes politiques qu’on verra cependant bientôt dans un ouvrage d’une grande étendue, avec tout le cortège de sophismes subalternes qui doivent le fortifier. Il n’est pas vrai qu’un moindre nombre d’hommes, dans un espace limité, soit plus à son aise qu’un plus grand nombre. Le bonheur politique des nations consiste dans l’activité, qui multiplie leurs moyens et leurs ressources à l’infini. Il n’est pas rare de voir, dans une même étendue de terrain, où quelques familles éparses trouvaient à peine l’étroit nécessaire, régner l’abondance avec toutes les commodités de la vie, précisément parce que le nombre d’habitants a triplé et quadruplé. Tout souverain doit donc désirer de porter la population de ses États au plus haut degré possible, parce que c’est donner à ses sujets la plus grande activité possible, et que c’est cette activité, et non le nombre d’hommes plus ou moins à leur aise, qui fait non‑seulement le nerf de l’État, mais aussi la source du bonheur public, d’autant plus sûrement que si la population devenait réellement trop abondante, la proportion entre le nombre d’hommes et les moyens de subsister se maintiendrait d’elle‑même par une émigration insensible. Cette émigration nécessaire aurait encore l’avantage de ne faire perdre à un État que la partie la moins précieuse de ses sujets, c’est-à-dire les moins actifs, les moins industrieux, les moins intelligents, les moins courageux ; au lieu que l’émigration, occesionnée par quelque vue injuste et absurde du gouvernement, prive ordinairement l’État d’une portion de citoyens infiniment utile et précieuse, comme la France a jugé à propos de s’en jouer le tour par la révocation de l’Édit de Nantes.

De tout ceci, il résulte que les rédacteurs des Remontrances, et les autres faiseurs d’écrits politiques, pourraient bien avoir avancé à tort que le royaume se dépeuple ; mais en admettant l’exactitude des recherches de M. de La Michaudière, je pense qu’on n’en peut ni n’en doit inférer ni pour ni contre la bonté du gouvernement et l’amélioration de son administration.

M. Messance a ajouté à ses recherches sur la population d’autres recherches sur la valeur du blé en France et en Angleterre. Il prouve, toujours par les faits, que la valeur du blé a diminué dans ce dernier royaume depuis que l’exportation a été encouragée par une récompense, et que dans le même espace de temps la valeur du blé a aussi diminué en même proportion en France, où non-seulement toute exportation, mais même le commerce intérieur de province à province était absolument prohibé. Voilà le même effet produit dans le même espace de temps par deux polices diamétralement opposées : et puis fiez-vous aux résultats des raisonneurs politiques ! M. Messance examine aussi s’il est réellement avantageux que le blé soit, comme on dit, à un bon prix, c’est-à-dire au-dessus de ce vil et bas prix auquel on l’achète dans les années abondantes. M. Messance est persuadé que ce bon prix est un cruel impôt sur le menu peuple, c’est-à-dire sur le plus grand nombre. Tout ce qu’il y a de plus certain, c’est que la science du gouvernement est de toutes les sciences la moins avancée, que les problèmes politiques sont si compliqués, les éléments qui les composent si variés et ordinairement si peu connus, les résultats ainsi que la science des faits, la plus nécessaire de toutes, si hasardés et si arbitraires, qu’un bon esprit ne se permettra jamais de rien prononcer sur ces matières ; et quand vous aurez lu les Principes de tout gouvernement, ou Examen des causes de la splendeur ou de la faiblesse de tout État considéré en lui-même, et indépendamment des mœurs, qu’un auteur anonyme[2] vient de publier en deux volumes in-12, vous verrez que cette science difficile n’a pas fait un pas sous sa plume.

Quelle est donc la lumière qui guidera un grand prince au milieu de ces : ténèbres, s’il est vrai qu’il nous faut peut-être encore mille ans d’observations rigoureuses sur les faits pour connaître seulement tous les éléments et leurs différents degrés d’action qui entrent essentiellement dans la combinaison d’un effet politique ? Outre un esprit éclairé et juste, c’est l’énergie et l’élévation de l’âme. Cette grande âme du prince se répandra bientôt sur tous les ordres de l’État ; elle pénétrera dans toutes les parties de l’administration, et imprimera son caractère à tous les actes de son règne, de même qu’un prince d’une trempe commune plongera par sa pusillanimité, ses incertitudes et son inapplication, ses États et ses peuples bientôt dans l’engourdissement, c’est-à-dire dans la plus triste des situations où une nation puisse tomber.

Je ne puis quitter le livre de M. de La Michaudière sans me rappeler l’aventure du chevalier de Lorenzi avec ce magistrat. Le chevalier de Lorenzi, frère de ce comte de Lorenzi qui a été si longtemps ministre de France à Florence, et qui est mort depuis peu ; ce chevalier, dis-je, est Florentin, et a servi en France. C’est un des plus singuliers originaux qu’on puisse rencontrer. Il est d’abord plein d’honneur, d’une douceur et d’une candeur rares. Il a beaucoup de science, mais tout est si bien embrouillé dans sa tête que, lorsqu’il se mêle d’expliquer quelque chose, il dit des galimatias à mourir de rire et qu’il n’y a que lui qui puisse entendre. Il est d’ailleurs, en fait de distractions, au moins égal à ce M. de Brancas du dernier siècle, dont Mme de Sévigné raconte des mots si plaisants. Mme Geoffrin, en nous faisant un jour un sermon sur la gaucherie, cita pour exemples le chevalier de Lorenzi et M. de Burigny, tous deux présents, observant seulement que celui-ci était plus gauche de corps, et l’autre plus gauche d’esprit : ce qui fournit les deux points du sermon. Ajoutez à cela que le chevalier parle avec beaucoup de réflexion, et que son accent italien rend tout ce qu’il dit plus plaisant, et puis, écoutez :

Il y a quelques années que le chevalier de Lorenzi se trouve obligé d’aller à Lyon pour affaires. M. de La Michaudière y était alors intendant. Le chevalier soupe avec lui tout en arrivant chez le commandant de la ville, qui le présente à M. l’intendant. Il y avait à ce souper un ami intime de M. de La Michaudière, qui, le traitant familièrement, l’appelait souvent La Michaudière tout court. Le chevalier imagine que cet homme dit à l’intendant l’ami Chaudière, et en conséquence il l’appelle pendant tout le souper M. Chaudière, et malgré tout ce qu’on peut faire et dire, il ne comprend pas de toute la soirée qu’il estropie le nom de l’intendant d’une manière ridicule. Le lendemain, il est prié à souper chez M. de La Michaudière. Il y avait beaucoup de monde, et entre autres, M. Le Normant[3], fermier général, mari de Mme de Pompadour, qui se trouvait à Lyon de passage. Comme le chevalier de Lorenzi ne le connaissait point, il demande à son voisin quel est cet homme qui se trouvait à table vis-à-vis d’eux. Son voisin lui dit à l’oreille que c’est le mari de Mme de Pompadour. Voilà mon chevalier qui appelle M. Le Normant M. de Pompadour pendant tout le souper. L’embarras de tout le monde fut extrême, mais il n’y eut jamais moyen d’expliquer au chevalier de quoi il était question. Voilà son début à Lyon : On ferait un Lorenziana très-précieux, car tout ce que cet honnête chevalier a dit et fait dans sa vie est marqué au même coin d’originalité. Je lui dois en mon particulier beaucoup, car c’est un des hommes qui m’a le plus fait rire depuis que j’existe.

— Dans la disette qui règne cette année sur nos deux théâtres, les Comédiens italiens se sont adressés à M. Favart comme à un autre Joseph, pour avoir du pain. M. Favart leur a donné une espèce de pièce qui a été faite, il y a six mois, pour célébrer la convalescence de Mlle de Mauconseil, après son inoculation. On vient de donner cette pièce sous le titre de la Fête du château, divertissement mêlé de vaudevilles et de petits airs, et, grâce aux danses dont on l’a orné, ce divertissement a réussi[4]. Il ne faut pas être bien difficile sur une bagatelle de cette espèce, ainsi je n’ai garde de la juger à la rigueur ; mais ce que je lui reproche, c’est de n’être pas gaie. M. Favart use ici du secret du grand Poinsinet ; il croit que pour rendre une pièce gaie, on n’a qu’à faire dire aux acteurs qu’ils sont joyeux, qu’ils sont gaillards. Ces gaillards sont ordinairement d’une tristesse à vous faire pleurer d’ennui. C’est l’effet que m’a fait la Fête du château en général. Il est vrai que ce détestable genre de l’ancien opéra-comique, qui consiste en vaudevilles et en petits airs, ne manque jamais son effet avec moi ; j’en sors moulu, harassé, comme d’un accès de fièvre, et il serait au-dessus de mes forces de voir une pièce de cette espèce deux fois. Il y a pourtant un joli mot dans cette Fête du château. Colette, qui a tout lieu de craindre que son père ne la marie contre son inclination, veut employer le docteur Gentil, médecin, pour médiateur. « Du moins, je vous demande une grâce, lui dit-elle. — Quoi ?… — C’est de dire à mon père que je suis sa fille. » Ce mot est à la fois vrai, naïf et plaisant. Au reste, vous croyez bien qu’il est question d’inoculation dans cette pièce, et que M. le docteur Gentil est un médecin des plus agréables et des plus à la mode, ce qui ne l’empêche pas d’épouser à la fin la concierge du château. Mlle de Mauconseil, premier objet de cette fête, et dont la beauté mérite d’être célébrée par tous nos poëtes, va épouser M. le prince d’Hénin, de la maison Le Bossu d’Alsace ; et cet événement donnera sans doute occasion à M. Favart de faire une nouvelle Fête du château, qui nous reviendra si la disette sur nos théâtres subsiste.

— Puisque M. Favart a eu le malheur de nous rappeler M. Poinsinet, il faut dire que celui-ci a aussi fait imprimer une espèce de divertissement théâtral, représenté à Dijon à l’occasion de l’arrivée de M. le prince de Condé, pour tenir les états de Bourgogne. Ce divertissement est intitulé le Choix des Dieux, ou les Fêtes de Bourgogne. Vous y trouverez les dieux de la Grèce, les Muses et les Grâces, travestis en paysans bourguignons. Il fallait appeler cette pièce : Poinsinet, toujours Poinsinet.

— On a imprimé un Essai théorique et pratique sur les maladies des nerfs, écrit de soixante-dix pages in-12[5]. Je crois, d’après de grandes autorités, les vomitifs et les purgatifs très‑nuisibles dans les affections nerveuses ; ainsi un malade ferait assez mal de se fier à l’auteur de cet Essai. Au reste, nous avons ici depuis peu M. Pomme, soi-disant médecin d’Arles, et qui prétend guérir toutes les femmes de Paris de leurs vapeurs ; il en a déjà des plus qualifiées sous sa direction, et il ne tardera pas sûrement à avoir de la vogue. Ce métier est excellent : on n’y risque rien, et l’on ne peut manquer de s’y enrichir ; il ne s’agit que du plus ou du moins de fortune, suivant qu’on est bon ou méchant menteur. Le célèbre Printemps, soldat aux gardes-françaises, eut la plus grande vogue il y a quelques années : il donnait à tous ses malades une tisane qui n’était autre chose qu’une décoction de foin dans de l’eau ; il prenait ses malades pour des bêtes, et il n’avait pas tort. Bientôt cette décoction le mit en état de donner de bon fourrage sec à deux chevaux, qu’il mit devant un-bon carrosse dans lequel il allait voir ses malades, tandis que maint docteur régent de la Faculté faisait sa tournée à pied et dans la boue. Aussi la Faculté présenta-t-elle requête à M. le maréchal de Biron pour obliger Printemps de mettre équipage bas et de réserver tout le foin à ses malades.

— Nous devons à la plume intarissable de l’illustre patriarche de Ferney un Commentaire sur le livre des Délits et des Peines, par un avocat de province. C’est une brochure in-8° de cent vingt pages, qu’on ne trouve pas à Paris. On voit que la tragédie d’Abbeville et le procès qui pend en Bretagne[6] ont particulièrement donné lieu à cette brochure, quoique M. l’avocat de province n’ait eu garde de se livrer à tout ce que le patriarche aurait pu lui suggérer sur ces deux objets. En général, ce Commentaire est très-superficiel ; il n’est pas permis de traiter avec cette légèreté les plaies les plus funestes du genre humain. Il n’en est pas de la barbarie des lois comme de quelque mauvaise règle de poétique qui peut pervertir le goût public. La première attaque les droits sacrés de l’humanité, et lorsqu’on se permet de parler de ses déplorables effets, si ce n’est pas l’indignation la plus juste qui entraîne, il faut que le sujet soit traité avec l’éloquence la plus touchante. Il faut arracher au fanatisme son glaive, et à la calomnie la livrée et la sauvegarde des lois. Un autre tort de M. l’avocat de province, c’est de suivre mal à propos le projet favori du patriarche de démolir la religion chrétienne. Chaque chose a son temps, et il ne faut pas confondre les matières quand on a à cœur l’amendement du genre humain. Au reste, je me flatte qu’il n’y a pas un mot de vrai à l’aventure que l’auteur raconte d’une fille de famille mise à mort pour avoir accouché clandestinement et exposé son enfant dans la rue, où ensuite il a été trouvé mort. Il serait trop déplorable que de semblables scènes d’horreur se renouvelassent en France à tout moment, et la postérité serait à la fin en droit de nous prendre pour des Hottentots, avec notre beau siècle philosophique. Il faut chercher cette brochure en Suisse, où elle a été imprimée. Paris jouit du privilège de ne plus rien recevoir de tous ces poisons. Cette prérogative commence à devenir fort ennuyeuse.


15 octobre 1766.

Il y a environ trois mois qu’on reçut à Paris les premières nouvelles de la brouillerie de J.‑J. Rousseau avec M. Hume. Excellente pâture pour les oisifs ! Aussi une déclaration de guerre entre deux grandes puissances de l’Europe n’aurait pu faire plus de bruit que cette querelle. Je dis à Paris : car à Londres, où il y a des acteurs plus importants à sifller, on sut à peine la rupture survenue entre l’ex-citoyen de Genève et le philosophe d’Écosse ; et les Anglais furent assez sots pour s’occuper moins de cette grande affaire que de la formation du nouveau ministère et du changement du grand nom de Pitt en celui de comte de Chatham. À Paris, toute autre nouvelle fut rayée de la liste des sujets d’entretien pendant plus de huit jours, et la célébrité des deux combattants, qu’on se flattait de voir incessamment aux prises, absorba toute l’attention du public. Les partisans de M. Rousseau furent d’abord un peu étourdis de ce coup imprévu, et il survint à ses dévotes des migraines effroyables. Jusqu’à ce moment, toutes les personnes avec lesquelles M. Rousseau s’était brouillé après en avoir reçu des bienfaits, et il n’y en a pas mal, avaient toujours été condamnées dans son parti, sans autre forme de procès. Plus ces personnes mettaient de réserve dans leurs procédés envers l’illustre Jean-Jacques et moins elles daignaient s’en plaindre, plus elles étaient soupçonnées et souvent accusées assez hautement par ses dévots d’avoir eu des torts essentiels envers lui. On ne pouvait prendre la même tournure à l’égard de David Hume. La joie qu’on avait ressentie de sa liaison avec Jean‑Jacques était trop récente. On s’était tant applaudi des éloges réciproques dont ils s’accablaient l’un et l’autre ! On s’était tant promis de tirer de la durée de leur amitié un argument terrible contre les anciens amis de M. Rousseau ! D’ailleurs, la droiture et la bonhomie de M. Hume étaient trop bien établies en France ; les partisans de M. Rousseau avaient eux-mêmes tant vanté la chaleur avec laquelle son nouveau bienfaiteur avait travaillé pour lui procurer un sort heureux et tranquille en Angleterre ! et tout à coup le bon David se plaint d’être outragé par son ami Jean-Jacques de la manière la plus singulière et la plus indigne ! Cette aventure jeta le parti dans une étrange perplexité.

On sut bientôt confusément les détails de ce procès, un des plus bizarres et des plus extravagants, mais aussi des moins intéressants dont la mémoire se soit conservée parmi les hommes. On en parlait diversement et au hasard. M. Hume en avait adressé les principales pièces à M. d’Alembert, qui s’y trouvait impliqué contre toute attente ; M. Rousseau avait écrit, de son côté, à un libraire de Paris une lettre que je n’ai point vue, mais que ce libraire avait rendue publique, et dans laquelle M. Hume était défié de produire les lettres que M. Rousseau lui avait écrites. On assure que ce défi a été répété dans les papiers publics de Londres. En conséquence, M. Hume s’est déterminé à rendre publique toute sa correspondance avec M. Rousseau. Elle vient de paraître sous le titre de Exposé succinct de la contestation qui s’est élevée entre M. Hume et M. Rousseau, avec les pièces justificatives, brochure in-12 d’environ cent trente pages. C’est M. Suard qui a été le traducteur et l’éditeur de M. Hume[7]. Je ne sais pourquoi il dit dans son Avertissement que M. Hume, en rendant ce procès public, n’a cédé qu’avec beaucoup de répugnance aux instances de ses amis. Sans doute qu’il parle des amis de M. Hume en Angleterre : car pour ses amis en France, j’en connais plusieurs qui lui ont écrit exprès pour le dissuader de rendre cette querelle publique. En effet, si vous êtes forcé de plaider votre cause devant le public, je vous plaindrai de tout mon cœur ; si vous vous avisez de vous soumettre sans nécessité à sa décision, je vous trouverai bien sot. Comptez que sa malignité ne cherche qu’à rire à vos dépens, et qu’il lui est fort indifférent de rendre justice à qui il appartient. Cette indifférence n’est pas même si opposée à l’équité naturelle qu’on ne puisse la justifier : car de quel droit vous croyez-vous un personnage assez important pour me faire perdre mon temps à vos tracasseries ? Si vous avez des procès du ressort des lois, faites-les décider au Châtelet ; si des procédés nobles et généreux vous ont attiré une méchante querelle que les lois ne peuvent ni ne doivent punir, ne dirait‑on pas que vous êtes bien à plaindre ? Sachez vous contenter d’avoir joué le beau rôle, et apprenez à mépriser la vaine opinion des autres. Mais il est écrit que chacun se battra avec les armes de son métier, et que les auteurs videront leurs querelles à coups de plume, comme les militaires à coups d’épée. Les premiers en sont plus ridicules, et M. Hume, qui jusqu’à ce moment avait toujours résisté à la manie de ferrailler, s’est enfin enrôlé dans la confrérie, de peur d’attraper un legs dans le testament de mort de Jean-Jacques. Il y a apparence que tant d’honnêtes gens seront calomniés dans ce testament que le philosophe d’Écosse aurait très-bien pu se résoudre à en courir les risques avec eux. Quoi qu’il en arrive, son Exposé sera à coup sûr bien vendu. M. Suard, seul éditeur de cet Exposé, a mis à la tête un avis des éditeurs, qu’il aurait tout aussi bien fait de supprimer.

Je ne me permettrai point de juger le fond de cet étrange procès. Quant à M. Hume, quoique je l’aie assez vu pour savoir ce qu’il en faut penser, je n’ai point l’honneur d’être lié avec lui d’amitié, et je pourrais me permettre d’être son juge. Quant à M. Rousseau, c’est autre chose. J’ai été intimement lié avec lui pendant plus de huit ans, et je le connais peut-être trop bien pour ne me point récuser quand il s’agit d’un jugement de rigueur sur ses faits et gestes. Il y a tout juste neuf ans que je me crus obligé de rompre avec lui tout commerce, quoique je n’eusse aucun reproche à lui faire qui fût relatif à moi, et qu’à son tour il ne m’eût jamais fait aucun reproche durant tout le temps de notre liaison. Vraisemblablement la probité et la justice ne me laissaient pas le choix entre une rupture ou le parti vil de trahir la vérité, et de déguiser mes sentiments d’une manière déshonnête dans une occasion décisive dont M. Rousseau m’avait constitué le juge fort mal à propos, mais dont je pouvais juger avec d’autant plus de sécurité que le procès m’était absolument étranger et que le fond en était bien plus ridicule que celui qu’il vient d’intenter à M. Hume. J’ai toujours pensé que c’est manquer essentiellement et impardonnablement à un homme que d’oser lui confier des sentiments révoltants, dans l’espérance qu’il pourra les approuver, les écouter du moins, et les passer sous silence. C’est dire à son ami : Je me flatte que vous n’avez au fond ni honneur ni délicatesse ; et je ne connais point d’offense plus grave. Je veux bien, d’ailleurs, qu’on soit fou ; mais j’exige que l’on soit toujours honnête homme, même dans ses accès de folie. Au reste, M. Rousseau est le seul ami que j’aie perdu dans ma vie, sans avoir eu à regretter sa mort. Il se brouilla successivement avec tous ses anciens amis, qui nous étaient presque tous communs, et les réforma l’un après l’autre. Il convient dans une de ses lettres qu’il a souvent changé d’amis ; mais il prétend cependant en avoir, et de très-solides, depuis vingt-cinq et trente ans. Je crois qu’il serait embarrassé d’en nommer un seul avec qui il ait conservé une liaison seulement de dix ans : car on ne peut appeler ami un homme qu’on a connu anciennement, sans avoir eu avec lui, dans l’intervalle, aucun commerce suivi d’affaires ou d’amitié. Je crois aussi qu’il a des reproches bien sérieux à se faire à l’égard de plusieurs de ses anciens amis ; mais je ne me comprends point dans ce nombre. Je n’ai pas eu, comme plusieurs d’entre eux, le bonheur de lui rendre des services essentiels : ainsi il peut tout au plus être injuste avec moi ; mais il ne peut être taxé d’ingratitude à mon égard, et je lui pardonne volontiers un peu de fiel contre un homme qu’il a malheureusement exposé à lui montrer la vérité sans aucun ménagement. Il n’en est pas moins certain que, depuis l’instant de ma rupture, je ne me suis jamais permis de parler mal de sa personne ; j’ai cru qu’on devait ce respect et cette pudeur à toute liaison rompue. J’ai vécu avec des gens qui ne l’aimaient pas, avec ses enthousiastes, avec les personnes neutres, et ne me suis jamais écarté de mon principe. On m’a souvent assuré que M. Rousseau n’en usait pas ainsi à mon égard, qu’il me nuisait dans l’esprit de tous ceux qui voulaient bien l’écouter, et l’on écoute volontiers le mal ; que ses accusations pouvaient me faire d’autant plus de tort que, n’articulant jamais aucun fait contre moi, il donnait à entendre tout ce qu’il y avait de plus grave ; qu’aussi j’étais parfaitement détruit dans l’esprit de toutes ses dévotes ; et parmi ses dévotes il y avait des personnes du premier rang. J’ose me vanter qu’aucune de ces considérations ne m’a jamais fait changer de principe, et j’ai même eu l’esprit assez bien fait pour regarder la conduite de M. Rousseau à mon égard comme une marque d’estime qu’il me donnait. En effet, il n’ignorait pas avec quel avantage je plaiderais me cause contre lui, en la rendant publique, et en produisant des pièces bien plus singulières que celles que M. Hume vient de publier ; mais il a jugé que je ne me donnerais pas en spectacle au public, malgré l’honneur immortel de jouer la farce à côté de Jean-Jacques, et il a bien jugé ; et, s’il s’est douté que je me moquerais de l’opinion de ses dévotes, à qui je n’avais donné aucun droit de mal penser de moi, il a encore rencontré tout juste.

En conséquence de mon plan de conduite, que je suis obligé de regarder comme excellent, sous peine de cesser d’être moi, voici ce que j’aurais fait à la place de M. Hume, qui était de tout point bien autrement avantageuse que la mienne. En recevant la lettre douce et honnête du 23 juin[8], à laquelle je pouvais et devais si peu m’attendre, moi, gros David Hume, je me serais d’abord frotté les yeux ; ensuite, restant un peu étourdi, mon regard serait devenu aussi fixe et aussi prolongé que ce jour à jamais terrible et mémorable où David regarda Jean‑Jacques ; mais, ce mouvement de surprise passé, j’aurais mis cette lettre dans ma poche. Le lendemain, j’aurais écrit à mon ami Jean-Jacques pour le remercier de la bonne opinion dont il m’honorait et de la couleur qu’il savait donner à mes services et à mes plus tendres soins, et puis je lui aurais souhaité le bonsoir pour toute sa glorieuse vie. Le surlendemain, je n’y aurais plus pensé, ou si j’en avais ressenti quelque peine malgré moi, j’en aurais écrit à Mme la comtesse de Boufllers à Paris, pour la remercier de m’avoir empâté d’un aussi joli sujet. Mais, ni le surlendemain ni aucun lendemain de l’année, je n’aurais consenti à mettre le public dans la confidence d’un procès qui ne lui importe en aucune manière.

Les personnes dont les noms sont supprimés dans ce procès sont Mme la comtesse de Boufflers et Mme la marquise de Verdelin. Cette dernière est celle qui alla voir M. Rousseau, l’année passée, à Motiers-Travers. Le grand prince est M. le prince de Conti. La personne distinguée qui fit visite à M. Rousseau à Londres, sans être connue, c’est le prince héréditaire de Brunswick. M. Tronchin a été autrefois, au dire de M. Rousseau, le plus grand médecin d’Europe ; j’en ai vu plus d’une fois la patente, écrite de la main propre de Jean-Jacques, et je ne sais si elle n’est pas consignée dans ses écrits ; mais depuis que M. Tronchin a osé être fâché de voir la paix de sa patrie troublée par les Lettres de la montagne, sentiment qu’on ne peut éprouver sans être l’ennemi le plus mortel de M. Rousseau, il a été justement dépouillé de sa qualité du plus grand médecin de l’Europe, et il est devenu jongleur, comme tout le monde sait : car tout talent, toute vertu, toute qualité dépend de la manière dont on est avec J.‑J. Rousseau.

À ne considérer sa grande lettre que du côté littéraire, ses amis ont prétendu qu’elle était du moins un chef-d’œuvre d’éloquence, et que la péroraison en était surtout d’un grand pathétique ; mais ils oublient que la véritable éloquence consiste principalement à donner à chaque sujet le ton qui lui convient. Si vous traitez des pauvretés et des balivernes avec une emphase que les événements les plus tragiques comporteraient à peine, vous pouvez paraître éloquent si l’on veut, mais vous passerez pour fou bien plus sûrement encore. Don Quichotte, qui prend les moulins à vent pour des géants, et qui se bat contre eux à toute outrance, est certainement plein de courage, d’héroïsme et de la plus noble valeur ; mais aussi il est bien plus ridicule qu’il n’est vaillant. Pour moi, les beaux coups d’épée qu’on porte aux moulins à vent m’affectent si peu, que je préfère la lettre de M. Horace Walpole à M. Hume, qu’on lit dans ce recueil, à toutes les autres pièces du procès, parce que cette lettre a du caractère et que je fais grand cas du caractère.

Au reste, je pense que personne ne peut lire cet étrange procès sans se sentir une pitié profonde pour ce malheureux Jean-Jacques : car, s’il lui arrive d’offenser ses amis, il faut convenir qu’il s’en punit bien cruellement ; et quelle déplorable vie que celle qui se consume dans d’aussi folles et d’aussi pénibles agitations ! je défierais son ennemi le plus acharné de lui suggérer, dans la position où il est, un plus mauvais conseil que celui qu’il a pris lui-même de se brouiller avec M. Hume sans l’ombre de sujet. J’avais toujours été persuadé qu’il prenait un fort mauvais parti en préférant l’Angleterre à d’autres asiles ; mais je ne m’attendais pas à une révolution aussi bizarre et aussi prompte. Il est aisé de prévoir qu’il ne pourra pas longtemps séjourner dans ce délicieux séjour de Wootton, et que la première réforme tombera sur l’ami Davenport, la seconde sur la nation anglaise ; mais il n’est pas aussi aisé de prédire en quel coin de la terre l’ami Jean-Jacques pourra finir ses jours tranquillement. Il paraît démontré qu’il mène avec lui un compagnon qui ne le peut souffrir en repos nulle part. Il aura du moins pendant quelques mois la douce satisfaction de préparer une réponse non succincte à l’Exposé succinct de M. Hume. Cela soutient d’autant. Si mes conjectures se vérifient, celui de tous ses amis et ennemis qui n’attrape pas une bonne taloche dans cette réponse pourra se vanter de l’avoir échappé belle.

Jean-Jacques est venu deux cents ans trop tard ; son vrai lot était celui de réformateur, et il aurait eu l’âme aussi douce que Jehan Chauvin, Picard[9]. Au xvie siècle, il aurait fondé les frères Rousses ou Roussaviens, ou Jean-Jacquistes ; mais, dans le nôtre, on ne fait point de prosélytes, et toute la prose brûlante n’engage pas l’oisif qui lit à quitter le livre pour se mettre à la suite du prosateur.

— On vient de nous envoyer de Suisse les Principes du droit de la nature et des gens, par feu M. Burlamaqui, avec la suite du Droit de la nature, qui n’avait point encore paru, le tout considérablement augmenté par M. le professeur de Felice ; deux volumes grand in-8o, faisant ensemble près de mille pages[10]. M. le professeur Fortunato Felice est un récollet italien qui a quitté son froc et l’Église romaine, et s’est établi dans le canton de Berne, où je vois qu’on l’a fait professeur. Vous connaissez l’ouvrage de M. Burlamaqui, qui est estimé. C’est l’ouvrage d’un bon raisonneur ; mais il manque de philosophie comme ceux du savant Grotius et du célèbre Puffendorf. Si jamais les hommes s’avisent de mettre les choses à la place des mots, tous ces livres et bien d’autres plus illustres ou plus en vogue dans ce siècle philosophique tomberont en discrédit et seront oubliés. Je crois que, malgré toute la science de nos docteurs et tout le fatras de nos écoles, on est bien éloigné d’avoir débrouillé les premiers éléments du droit de la nature et des gens, et que nous ne sommes pas seulement encore sur la voie pour y parvenir. Quand je verrai un docteur en droit naturel et en droit public étudier la géographie avec une profonde application, je me persuaderai qu’il commence à entendre quelque chose à son affaire. On peut dire d’un bon philosophe ce qu’on dit communément d’un homme prudent : c’est qu’avant tout il voit d’où vient le vent, et qu’en démêlant les véritables ressorts de la nature humaine, il aura souvent occasion de s’écrier : Affaire de géographie !

Sous ce point de vue, des institutions géographiques pourraient être un des plus grands livres et des plus intéressants dont un homme de génie pût enrichir notre siècle. Mais l’homme que je demande n’est certainement pas M. Robert de Vaugondy, quoiqu’il vienne de publier des Institutions géographiques en un gros volume grand in-8o de près de quatre cents pages, et qu’il soit d’ailleurs qualifié de géographe ordinaire du roi et du feu roi Stanislas de Pologne. Il a beau expliquer la sphère, traiter des pôles et des zones, je vous jure qu’il ne se doute pas de l’influence de tel vent, de telle montagne, de telle forêt, de tel fleuve sur les mœurs, le génie, la morale, les préjugés, le gouvernement d’un peuple ; et lui, M. Robert de Vaugondy, et le récollet Fortunato Felice, et bien d’autres plus merveilleux qu’eux, seraient fort ébahis de voir des institutions géographiques devenir un cours de morale et de politique.

— Le Recueil nécessaire ne consiste que dans un seul volume grand in-8o qui porte sur le titre le nom de Leipsick et l’année 1765. Ce volume a trois cent dix-huit pages. On y trouve d’abord une analyse de la religion chrétienne, attribuée par les éditeurs à Dumarsais. On m’a assuré que ce morceau se trouve depuis plusieurs années dans le portefeuille des curieux en manuscrit. Je ne l’avais jamais vu. Je ne sais s’il est effectivement de Dumarsais, mais je pense que le patriarche l’a au moins fortement retouché. On y lit ensuite le Vicaire savoyard, tiré de l’Émile de Jean-Jacques Rousseau. Ensuite le Catéchisme de l’honnête homme, ou Dialogue entre un caloyer et un homme de bien. Ensuite le Sermon des cinquante, prononcé à Berlin pendant le séjour du patriarche à la cour du roi de Prusse. Le patriarche prétend que ce monarque lui avait promis d’abolir la religion chrétienne dans ses États, et qu’il lui a manqué de parole ; c’est là son grand grief contre le philosophe couronné. Après le sermon, on lit l’Examen important, par milord Bolingbroke. Cet examen est tout entier du patriarche, et c’est un traité complet de près de cent quarante pages. Il contient l’histoire du christianisme depuis son origine jusqu’aux temps de Théodose, avec un examen très-naïf et très-impartial des preuves sur lesquelles se fondent ses défenseurs, et de la conduite que ses sectateurs ont tenue dans tous les temps. C’est toujours milord Bolingbroke qui parle et qui écrit pour les Anglais. Après ce traité intéressant, on lit une lettre de ce même milord Bolingbroke à milord Cornsbury, son ami, dans laquelle il épluche un peu les apologistes de la religion chrétienne du siècle précédent, comme Pascal, Abadie et surtout le célèbre Grotius avec son traité de la Vérité de la religion chrétienne ; cet illustre savant y est assez malmené. Le Recueil nécessaire est terminé par un Dialogue du douteur et de l’adorateur ; un autre entre Épictète mourant et son fils, et enfin des Idées détachées tirées de La Mothe Le Vayer. Je n’ai pas les ouvrages de celui-ci assez présents pour savoir si ces idées lui appartiennent effectivement. Elles ressemblent assez à ses opinions par le fond, mais le style me fait croire que la rédaction en appartient au patriarche. Quant aux dernières paroles d’Épictète à son fils sur la secte naissante des chrétiens, c’est un beau sujet bien manqué. Il n’y a ni gravité, ni dignité, ni même philosophie dans ce morceau. Cela est écrit sans soin, comme cela s’est présenté au bout de la plume, et comme il arrive presque toujours au patriarche de faire depuis nombre d’années ; mais il n’était pas en train, comme on dit, quand il a écrit ce dialogue, qui, d’ailleurs, n’était pas une affaire de verve et de folie, comme une lettre de Covelle, mais de philosophie sérieuse : car le personnage d’Épictète, conversant dans ses derniers instants avec son fils, est trop grave et trop important pour le faire jaser d’une manière aussi frivole et aussi superficielle. Le grand défaut du Recueil nécessaire, c’est le rabâchage : chaque morceau dont il est composé n’est pour ainsi dire que la répétition du même fond d’idées qui se trouve dans les autres. Le zèle apostolique dont le grand patriarche est possédé lui fait regarder toutes ces répétitions comme très-utiles au progrès de la raison, parce qu’il est des esprits lents qui ne sentent la force d’un argument qu’à force de le remâcher ; mais en ce cas il ne faut pas ramasser tous ces morceaux dans le même recueil, sans quoi la lecture en devient à la longue fastidieuse. Au reste, après le Christianisme dévoilé, tout ce Recueil nécessaire n’est que de l’eau de rose.

— On prétend qu’il vient de sortir de la même fabrique trois dialogues imprimés dont le sujet promet de l’intérêt[11] : le premier, entre le comte de Lally et Socrate ; le second, entre Érostrate, qui brûla le temple de Diane, et cet infortuné chevalier de La Barre, décapité il y a trois mois à Abbeville par arrêt du Parlement, pour avoir passé à vingt-cinq pas de la procession du saint sacrement sans ôter son chapeau ; le troisième, entre M. de La Chalotais et Caton. Je ne dis pas que ces titres ne ressemblent aux rubriques de la fabrique, mais je n’ai encore rencontré personne de ma connaissance qui ait vu ces trois dialogues.

— On vient d’imprimer une épître en vers assez considérable, de feu M. Guymond de La Touche, auteur d’une tragédie d’Iphigénie en Tauride qui eut du succès, il y a huit ou neuf ans, mais sans rester au théâtre. Cette épître a pour titre les Soupirs du Cloître, ou le Triomphe du fanatisme[12]. L’auteur avait été jésuite, et cette célèbre société n’est pas flattée dans ses vers. Cet ouvrage manque de facilité et de grâce. On le lit sans intérêt et sans attrait, J’en dis autant de l’Épître à l’amitié, qui était connue et qu’on a mise à la suite. M. Guymond de La Touche est mort il y a déjà quelques années à la fleur de son âge.

M. Contant d’Orville est arrivé depuis quelque temps de Russie avec le projet de s’enrichir en faisant le métier d’auteur. Je crains qu’il n’ait fait une mauvaise spéculation. Il a débuté par publier un Voltaire portatif, c’est-à-dire une compilation de différents passages des écrits de cet illustre philosophe rangés sous différents titres. Il vient de donner deux romans pleins de catastrophes et d’événements tragiques. L’un s’appelle la Destinée, ou Mémoires de lord Kilmarnof, traduit de l’anglais de miss Woodwill. Deux parties. L’autre est le Mariage du siècle, ou Lettres de madame la comtesse de Castelli à madame la baronne de Fréville. Deux parties aussi. M. Contant d’Orville est arrivé de quarante années trop tard. Les lecteurs les plus oisifs et les plus frivoles sont devenus difficiles à proportion que le goût public s’est perfectionné.

M. Hardion, ancien maitre d’histoire de Mesdames de France, garde des livres du cabinet du roi et l’un des Quarante de l’Académie française, est mort au commencement de ce mois dans un âge fort avancé. Ce M. Hardion était un de ceux dont Piron disait autrefois : « Savez-vous bien que ces Quarante ont de l’esprit comme quatre ? » Il a écrit une Histoire à l’usage des enfants de France. Ah ! quelle histoire et quel précepteur ! Ce que M. Hardion a fait de plus mémorable dans sa vie, c’est de laisser une place vacante à l’Académie pour M. Thomas ; encore ne s’en est-il avisé que le plus tard qu’il a pu.

— L’infatigable et redoutable M. Eidous vient de publier une Histoire naturelle et civile de la Californie, enrichie de la carte du pays et traduite de l’anglais. Trois volumes in-12, chacun de près de quatre cents pages. Cette histoire mérite d’être recherchée parce qu’elle est la seule que nous ayons d’un pays digne de notre curiosité à divers égards, et entre autres par les établissements que les jésuites y ont faits à l’imitation de leurs établissements au Paraguay. C’est bien dommage que M. Eidous soit un si horrible charpentier. Il pourrait être utile s’il avait un peu de correction et qu’il voulût prendre soin de ses traductions. Je crois qu’il ne lui faut que quinze jours pour traduire un volume, et il n’y a rien qui n’y paraisse, car ce qu’il fait est à peine lisible. L’abbé Prévost traduisait aussi à la toise ; c’était un Cicéron auprès de cet Eidous, qui nous assommera cet hiver sous le poids de ses volumineuses productions.

— Je soupçonne aussi M. Eidous de nous avoir affublés d’une nouvelle traduction du roman anglais de Lucie Wellers, que M. le marquis de La Salle avait traduit et publié, il y a trois ou quatre mois. Apparemment que M. Eidous, gagné de vitesse par son rival, n’a pas voulu perdre un travail trop avancé. Les deux traducteurs écrivent aussi bien l’un que l’autre, et l’original qu’ils ont choisi méritait à peine les honneurs de la traduction.

M. Guyard de Berville a rajeuni, il y a quelques années, le style de l’histoire du célèbre chevalier Bayard. Il vient de donner l’Histoire de Bertrand du Guesclin, comte de Longueville, connétable de France, en deux volumes in-12, faisant ensemble plus de douze cents pages. On ne peut reprocher à M. Guyard de Berville le choix de ses sujets. Le chevalier Bayard et Bertrand du Guesclin étaient des sujets dignes de Plutarque. Je me suis fait représenter l’extrait baptistère de M. Guyard de Berville dans l’espérance de lui trouver Plutarque pour parrain ; mais je me suis trompé.

— Il vient de paraître, en pays étranger, sous le titre de la ville de Liége, une rapsodie intitulée Mémoires de madame la marquise de Pompadour, écrits par elle-même. Cela n’est pas même assez bon pour pouvoir être attribué au grand Maubert, ex-capucin et protonotaire privilégié et expert pour les Testaments et Mémoires politiques posthumes des princes, ministres, maîtresses et autres personnes d’État. Un polisson qui aurait passé sa vie dans les cafés de Paris, et ramassé les ouï-dire qui s’y débitent, aurait fait un chef-d’œuvre en comparaison de cette pitoyable rapsodie, qui ne peut servir qu’à l’amusement des antichambres.

M. Tannevot, qui se qualifie d’ancien premier commis des finances, vient de publier ses Poésies direrses en trois petits volumes. Ces enfants de son loisir ne demandent qu’à vivre à nos dépens, et, si nous y consentons, ils auront bientôt frères et sœurs. M. Tannevot s’est essayé dans tous les genres, depuis la tragédie jusqu’à l’impromptu. Il faut faire relier les poésies de M. Tannevot avec les poésies de M. de Chenevières, premier commis de la guerre, et présenter requête à nos ministres pour qu’ils emploient mieux leurs commis et ne leur ménagent pas un loisir qui ne sert qu’à ennuyer le public.

M. Mercier, qui, pour n’être pas premier commis, n’en est pas moins obscur, vient de faire imprimer une Histoire d’Izerben, poëte arabe. Traduction prétendue de l’arabe, Volume in-12 de plus de deux cents pages. M. Mercier a voulu représenter un poëte dans différentes situations, et en saisir le ridicule sans fiel et sans aigreur. Ainsi le poëte arabe a tous les accidents d’un poëte français. M. Mercier est un plat et insipide satirique. Il nous menace de l’Histoire d’un philosophe arabe, Ce sera bien pis encore.

— Si nous ne devenons pas savants, il y aura du malheur, et ce ne sera pas faute de secours. M. l’abbé Lyonnais, dont je n’ai jamais entendu parler, tend à notre ignorance une main secourable. Il propose par souscription des Tablettes historiques, généalogiques et chronologiques de tous les pays et de tous les peuples. Il compte renfermer toutes ces connaissances en cent cartes gravées, chacune de deux pieds de hauteur, sur lesquelles on trouvera, dans un grand cartouche orné de figures historiques, une description géographique et un précis historique du pays dont il sera question, des mœurs et des coutumes de ses habitants, avec des remarques sur les gouvernements et l’administration des princes et autres personnes illustres, dont les principales actions seront présentées en d’autres cartouches, rangés en forme d’arbre généalogique. Les souscripteurs payeront vingt sols par carte, et les autres, dix de plus. C’est bien dommage que toutes ces belles entreprises, qui ont si bon air dans un prospectus, s’exécutent avec la dernière négligence.

— On vient de proposer au public une autre insigne compilation. Elle doit paraître en six volumes de différents formats et sur papiers de différentes grandeurs, et porter le titre : l’Europe illustre, ouvrage contenant les portraits et les vies abrégées des souverains, des princes, des ministres, des généraux, des magistrats, des prélats, des savants, des artistes et des dames qui se sont distingués en Europe depuis le xve siècle jusqu’à présent. La France, l’Espagne, l’Italie, la Savoie, l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne, le Nord, etc., prêteront leurs grands hommes au burin de nos graveurs et à la plume de M. Dreux du Radier. Cela fera un des plus beaux fatras qu’on ait vus depuis longtemps. Je souhaite beaucoup de souscripteurs à M. Dreux du Radier. Il peut compter que je n’en augmenterai pas le nombre. C’est à lui que nous devons plusieurs volumes d’anecdotes sur les vies des reines, régentes ou maîtresses de France, et des Tablettes historiques, autre insigne bouquin qui n’a pas tout à fait rempli son but : M. du Radier n’espérait pas moins que d’écraser l’Abrégé du président Hénault. Ce sera pour une autre fois.

M. l’abbé Demanet, ci-devant curé et aumônier pour le roi en Afrique, vient de publier une nouvelle Histoire de l’Afrique française, enrichie de cartes et d’observations astronomiques et géographiques, de remarques sur les usages, les mœurs, la religion et la nature du commerce général de cette partie du monde. Deux volumes in-12 faisant ensemble plus de six cents pages. Dans le choix, j’aimerais mieux un philosophe qu’un prêtre dans l’emploi d’historiographe de l’Afrique. M. le curé africain déplore le sort de ces contrées, où l’erreur et le mensonge ont établi leur siège, et dont les peuples se voient engagés à la suite d’un faux prophète ; mais, du temps de leur plus grande splendeur, ces contrées étaient infectées d’autres erreurs et d’autres mensonges, et si M. le curé a trouvé dans ses voyages le pays où la vérité siège à côté du bonheur et où les marabouts ne soient pas des marabouts, c’est-à-dire où les prêtres ne soient ni fripons ni menteurs, le philosophe lui sera très-obligé d’en publier la carte au plus vite, car ce sera à coup sûr une découverte dont il aura enrichi la géographie.

M. Sigaud de La Fond est de ce nombreux détachement de maîtres de physique qui se trouvent dans Paris, et qui sont obligés de reconnaître l’abbé Nollet pour leur ancien. Ces messieurs font pendant l’hiver des cours publics de physique expérimentale avec plus ou moins de succès, suivant qu’ils ont plus ou moins de protection ou de charlatanisme. Autrefois beaucoup de femmes assistaient à ces cours ; mais la mode en est passée, et d’autres enfantillages ont pris la place de celui-là. M. Sigaud de La Fond vient de publier ses leçons de physique expérimentale en deux volumes in-12, avec des figures, faisant ensemble plus de neuf cents pages. Il espère sans doute, par cette impression, donner plus de vogue à ses cours.

— On nous a envoyé de Suisse des Essais sur l’esprit de la législation favorable à l’agriculture, à la population, au commerce, aux arts, aux métiers, etc. Deux volumes grand in-8o faisant ensemble près de six cents pages. Ces Essais sont des pièces couronnées par la Société économique de Berne. On trouve dans toutes ces pièces du raisonnement, des connaissances et même des lumières ; mais c’est une étrange folie que de croire que tous ces bavardages des sociétés d’agriculture érigées depuis peu dans les quatre coins de l’Europe puissent jamais influer sur l’amélioration de la culture d’un pays. Je lis dans ce recueil qu’il faudrait établir des chaires d’agriculture dans les universités, et obliger les jeunes gens, surtout ceux d’entre eux qui se destinent à la théologie, d’assister à ces leçons. Quel plat et impertinent bavardage ! Vous verrez que c’est dans le cabinet d’un professeur que s’apprendra le labourage, et que, si la culture souffre dans un pays, c’est parce que le cultivateur n’entend pas son métier et qu’il a besoin de son curé pour savoir conduire sa charrue.




  1. Messance, secrétaire d’intendance, ne fit que prêter son nom à cet ouvrage dont le véritable auteur est l’abbé Audra, qui professait alors la philosophie à Lyon, sa patrie. (B.)
  2. D’Auxiron. (B.)
  3. Le Normant d’Étioles.
  4. Il fut représenté le 2 octobre 1766.
  5. Par Milhard, ex-jésuite. (B.)
  6. Le procès de La Chalotais.
  7. Mme du Deffand (voir sa lettre à Horace Walpole du 20 octobre 1766, dans l’édition de M. de Lescure, t. I, p. 382), dit que tout le monde reconnaissait d’Alembert dans la préface de ce petit volume.
  8. Voir la Correspondance de J.-J. Rousseau, à cette date.
  9. Jean Calvin, que Voltaire nommait quelquefois Jehan Chauvin, était né à Noyon en Picardie. (T.)
  10. Le professeur de Felice a publié, en 1768, une nouvelle suite du Droit de la nature et des gens, de Burlamaqui. Cet ouvrage, composé de huit volumes in-8o, est recherché. (B.)
  11. Ces dialogues sont inconnus.
  12. Londres, 1765, in-8o.