Coups de clairon/Clocher nouveau
CLOCHER NOUVEAU
de la Chapelle des Cordeliers, le 3 juin 1901.
Ainsi que les deux fils du vieux Duc de Bretagne[1] :
Messire d’Avaugour et Messire Botrel,
Les braves Cordeliers se sont mis en campagne
Pour rebâtir le Temple et redresser l’Autel ;
Les Bretons ont ouvert leurs bourses toutes grandes
— Rustique bas de laine ou bourse de satin —
Et les plus riches dons et les humbles offrandes
Sont tombés à leurs pieds avec un gai tintin ;
En quelques mois l’on vit s’arrondir le pécule ;
Billets bleus, pièces d’or et d’argent, petits sous,
Tombaient, tombaient toujours en narguant l’incrédule…
Et rendant Duguesclin, lui-même, un peu jaloux !
De chacun des écus que la Charité donne
Vont naître des portails et surgir des piliers ;
Dinan, c’est un joyau de plus qu’à ta couronne
Vont sertir, dès demain, tes vaillants Cordeliers ;
Les prêtres ont déjà récité leurs prières
Aux lieux d’où monteront les arceaux triomphants,
Où le Dieu qu’adoraient les pères de nos Pères
Bénira les enfants de nos petits-enfants !
Car la Foi n’est pas morte au pays d’où nous sommes
Pays de Saint Malo, Saint Samson, d’Avaugour !
Elle est, et pour jamais, ancrée au cœur des hommes
Du pays des Pardons et des Clochers à jour !
Que peuvent quelques fous, quelques pâles sectaires
Contre un Peuple qui dit si vaillamment : « Je crois » ?
Pour un Temple qu’on ferme ouvrons dix sanctuaires !
Pour une Croix brisée, édifions vingt Croix !
Que les Clochers nouveaux chantent, à perdre haleine,
Leurs multiples chansons d’allégresse et d’amour
Pour étouffer les cris de révolte et de haine
Qui montent des Cités, plus nombreux chaque jour ;
Et que les Christs nouveaux que, du Rhône à la Rance,
On taille dans le chêne ou dans le dur granit
Tracent à l’infini, sur les routes de France,
Le Geste qui pardonne et console et bénit !
- ↑ François II, dont les deux fils partirent aux Croisades : L’un, Henri d’Avaugour, fonda, au retour, l’ordre des Cordeliers ; l’autre, Geoffroy Botrel, en rapporta l’écharpe de la Vierge, vénérée encore à Quintin. (N. D. L’E.)