Coups de clairon/Jean Sac-au-dos
JEAN SAC-AU-DOS
« …Quel est donc ton nom, joyeux drille
Qui vas chantant, leste et dispos,
Enrubanné comme une fille ?
— Je n’ai plus de nom de famille :
Je n’ai qu’un nom : Jean Sac-au-dos ! »
« …Soldat, de ton pompon garance
Jusqu’au bout de tes godillots,
Tu sembles une fleur immense !…
— Je suis fleur du Jardin de France ! »
M’a répondu Jean-Sac-au-Dos.
« …Songeant à ta mère chérie,
Tu dois avoir le cœur bien gros
Et l’âme tout endolorie…
— Ma mère, à moi, c’est la Patrie ! »
M’a répondu Jean-Sac-au-dos.
« …Je t’ai vu, la tête baissée,
Au milieu des joyeux propos
Rêvant à quelque délaissée…
— Non !… La France est ma fiancée ! »
M’a répondu Jean-Sac-au-Dos.
« …Les Sans-Patrie au style terne
Veulent du plomb dans les cerveaux
De ceux qui chantent la caserne…
— Du plomb ? j’en ai plein ma giberne ! »
M’a répondu Jean-Sac-au-Dos.
« …L’étranger trop souvent nous jette
Une insulte dans ses journaux
Et sa voix est pointue et nette…
— Pas autant que ma baïonnette ! »
M’a répondu Jean-Sac-au-Dos
« …Je frémis quand je te regarde
Au défilé de nos drapeaux :
Pourquoi cette mine hagarde… ?
— Je songe : montons mieux la garde ! »
M’a répondu Jean-Sac-au-Dos.
« …Certes, mon gâs, la France est Celle
Qu’il faut servir sans nul repos :
Je veux vivre pour la voir belle…
— Moi, je voudrais mourir pour elle ! »
M’a répondu Jean-Sac-au Dos.