Cours d’agriculture (Rozier)/AMEUBLIR LA TERRE

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Hôtel Serpente (Tome premierp. 502-503).


AMEUBLIR LA TERRE. C’est en séparer les molécules, & la rendre plus perméable aux impressions des amendemens naturels & artificiels. Une terre bien ameublie est douce, maniable, sans mottes, sans croûte. Le mot ameublir s’emploie, plus particuliérement pour les jardins que pour les terres labourables. C’est là que les labours sont prodigués, ainsi que les engrais, afin d’y multiplier le terreau ou terre végétale par excellence. Les plantes qui enrichissent nos potagers ne sont successivement parvenues à la perfection que par un excès de soins assidus, & pour peu qu’on les leur refuse, ces mêmes plantes si succulentes, si savoureuses, dégénèrent & reviennent enfin à leur qualité primitive & sauvage. Il est donc essentiel de maintenir la terre meuble, si on veut qu’elles prospèrent. Souvent ce n’est pas assez : le changement de climat en fait beaucoup dégénérer, & il faut renouveler la semence tous les deux ou trois ans.

Lorsqu’une terre destinée pour les grains, & où l’argile domine, a resté long-tems sans être travaillée, il convient de l’ameublir, non-seulement pour que les racines du grain puissent pivoter, mais encore afin que cette terre ne retienne l’eau pluviale que dans la proportion convenable. Amender & ameublir sont des mots synonymes pour les terres fortes ; mais il n’en est pas ainsi des terres sablonneuses, parce qu’elles sont déjà assez ameublies par elles-mêmes, & même elles le sont trop. L’amendement qui leur convient est un mélange de terre forte ; & de ce mélange il en résultera un ameublissement proportionné & suffisant pour le grain qu’on doit semer. Trop ameublir la terre par des labours, si on n’y joint des engrais, est aussi pernicieux à la terre que de la surcharger d’engrais sans la bien labourer. On ne peut pas, & même il est impossible de prescrire jusqu’à quel point une terre doit être ameublie, parce qu’il est impossible de spécifier toutes les nuances & toutes les combinaisons qui forment la surface du globe. C’est au particulier à étudier son champ, à examiner quelle partie de ce même champ demande plus de labours que telle autre partie voisine, quoique dans le même champ ; mais il ne se trompera pas, lorsqu’il considérera les effets des années sèches ou pluvieuses sur son champ ; de sorte que, s’il peut saisir le point de partage entre l’une & l’autre, & que par son travail il ait fait acquérir à sa terre le degré précis de ne retenir que la quantité d’eau suffisante pour la végétation, il est constant qu’il aura atteint le point de perfection, & que ses récoltes seront assurées.