Cours d’agriculture (Rozier)/ANIL

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome premierp. 548-561).
◄  ANGUILLE
ANIS  ►


ANIL, ou Indigo. Nous préférons de décrire cette plante précieuse sous la dénomination d’anil, parce que c’est le nom assigné & reçu dans les pays où on la cultive. Le mot indigo signifie, à proprement parler, la partie colorante extraite de cette plante, & qui fait une branche considérable du commerce de nos îles. M. Tournefort n’a point connu cette plante, & cependant Bauhin, avant lui, dans son Pinax, l’avoit désignée par cette phrase, isatis indica, foliis roris marini, glasti affinis ; & on peut la ranger, suivant son systême, dans la seconde section de la dixième classe qui comprend les fleurs de plusieurs pièces, irrégulières & en forme de papillon, dont le pistil devient une gousse longue & à une seule loge. Sa place naturelle est entre le sainfoin, ou hedisarum, & le galéga. M. le chevalier Von Linné la classe dans la diadelphie décandrie, & l’appelle indigofera tinctoria.


I. Description de la Plante.
II. De la culture de l’Anil, ou Indigo franc.
III. De la préparation de l’Indigo.


I. Description de la plante. Fleur, légumineuse, (Voyez Pl. 17) semblable à toutes les papilionnacées ; elle est renfermée dans un calice H divisé en cinq, & composée de l’étendard, de deux ailes & de la carenne. En B, la fleur est représentée vue de profil, & en C vue de face ; l’une & l’autre un peu plus grandes que dans la nature. L’étendard ou pétale supérieur D, est ovoïde, pointu dans l’extrémité supérieure, renflé dans son milieu, & étroit à sa base. Sur chaque côté de la fleur, on voit deux pétales que l’on nomme aile, dont un est figuré en E. Ils accompagnent la carenne F ou pétale inférieur ; le nom de carenne lui a été donné à cause de sa ressemblance à celle d’un vaisseau. Les parties sexuelles, au nombre de dix, réunies G en faisceau à leur base par une pellicule membraneuse ; deux autres étamines ne tiennent à cette membrane que par leur partie la plus inférieure, & semblent presque en être détachées, & elles sont plus courtes que les dix autres. Ces étamines entourent le pistil représenté séparément en I.

Fruit. Le fruit est un légume court, d’environ un pouce de longueur, représenté ouvert en K, composé de deux cosses qui, fermées, composent la gousse dans laquelle les graines L sont contenues & attachées sur la suture de la gousse par un cordon ombilical.

Feuilles. Les feuilles sont ailées, terminées par une impaire, portées par un pétiole long & cylindrique ; chaque foliole est entière, ovale, terminée en pointe.

Racine A, ligneuse, fibreuse & son écorce jaunâtre.

Port. La tige s’élève à la hauteur de deux à trois pieds au plus. Les fleurs naissent en épi le long des rameaux & des aisselles des feuilles, & ils ont à leur base deux petites membranes.

Lieu. Il est originaire de l’Indostan, d’où il a été transporté au Mexique, de-là aux Antilles ; & beaucoup plus tard, dans la Caroline méridionale.

Propriétés. Les feuilles réduites en poudre sont réputées céphaliques ; en décoction, ou simplement écrasées, elles passent pour vulnéraires & utiles pour déterger les plaies & les ulcères.

M. Élie Monnereau, habitant du Cap, a publié, en 1775, un ouvrage intitulé : Le parfait indigotier ; & M. de Beauvais de Raseau fit imprimer, en 1770, l’Art de l’indigotier, inséré dans la Collection des arts, publiée par l’académie royale des sciences de Paris. C’est d’après eux que l’on va parler. Je remarquerai auparavant que j’ai cultivé cette espèce d’arbrisseau ; qu’en le semant de bonne heure sur couche, il lève facilement, fleurit, & fait sa graine avant l’hiver ; que cette graine, si la saison est chaude, acquiert une bonne maturité. Si cette plante cultivée à Lyon, il est vrai dans des pots, a bien réussi, pourquoi n’essayeroit-on pas sa culture en grand dans la Basse-Provence, dans le Bas-Languedoc, & sur-tout en Corse, où la position géographique des lieux offre de si beaux abris, & on a vu au mot Agriculture, page 282, les effets de ces abris ? Si on objecte que les couches seront un objet de dépense, je demanderai si l’anil ou l’indigo n’est pas aussi précieux que l’aubergine, à laquelle on ne refuse pas un pareil secours ? J’invite donc ceux qui liront cet Ouvrage, & qui sont propriétaires de terrains bien abrités, d’essayer en petit cette culture. Si elle réussit, ils l’étendront de plus en plus. Burchard, dans sa Description de l’île de Malthe, publiée en 1660, parle d’une fabrique d’indigo dans l’île de Malthe.

On connoît trois espèces d’indigo, (c’est M. Monnereau qui parle) le franc, le bâtard & le guatimalo ; ce dernier tire son origine de la côte espagnole dont il porte le nom. Le premier rend plus à la teinture, & elle se fait avec beaucoup de facilité ; mais le succès de sa plantation est fort douteux : sa tige tendre & délicate en naissant, est susceptible de beaucoup d’avaries. Le vent, la pluie, le soleil, tout conspire à sa destruction. La terre même où il croît semble lui refuser ses secours ; si elle est un peu usée, il languit sur pied, & ne produit que de foibles tiges qui périssent dès leur naissance. Le brûlage est un autre accident aussi fâcheux que les premiers, & dont on parlera en traitant de sa culture. Il y est fort sujet pendant tout le premier mois de sa végétation, de sorte que l’habitant est toujours entre la crainte & l’espérance.

L’indigo bâtard diffère du premier. Il est moins haut, sa feuille est plus longue, plus étroite, d’un verd beaucoup plus clair, un peu blanc en dessous, moins charnu, rude au toucher, même jusqu’au picottement. Les gousses sont jaunes, & la graine noire. Il s’éleveroit à la hauteur de six pieds, si l’intérêt n’obligeoit de l’arrêter avant qu’il ait acquis sa grandeur naturelle. Il a l’avantage de venir par-tout & en tout tems.

Le guatimalo ressemble assez complétement au second, à l’exception des siliques dont la couleur tire sur le rouge brun, ainsi que celle de la gousse.

L’indigo sauvage croît naturellement dans les prés : il ressemble à un arbrisseau dont le tronc est court, touffu & fort gros ; ses branches sont adhérentes à la racine, les feuilles plus rondes & plus petites que celles du franc, mais très-minces. Il ne vaut pas la peine d’être cultivé.

Il en est ainsi de l’indigo mary qui ressemble beaucoup au franc par sa feuille, mais elle est moins charnue.

II. De la culture de l’anil, ou indigo franc.

1o. Du tems de le semer. Ceux qui ne veulent pas risquer leurs graines commencent à les semer après les fêtes de Noël, & peuvent continuer jusqu’au mois de Mai ; ce dernier semis est même le plus favorable ; il est moins sujet au brûlage que si on le semoit dans une saison plus avancée. Il ne produit que deux ou trois coupes, tandis que celui semé beaucoup plutôt en produit jusqu’à cinq. L’anil bâtard se plante depuis la Toussaint jusqu’au mois de Mai inclusivement.

Avant de semer l’indigo, il faut arracher avec la houe les vieilles souches, & purger le terrain de toutes les mauvaises herbes ; aucune plante ne souffre plus que celle-ci du voisinage des plantes parasites. Des souches & des herbes arrachées, on en fait un monceau auquel on met le feu, & les cendres qui en résultent sont dispersées sur le terrain. Quoique je n’aie jamais cultivé l’indigo en grand, j’oserai cependant dire qu’il vaut mieux transporter dans un coin du champ ces vieilles souches & les mauvaises herbes, sur-tout si elles ne sont pas grainées, les y amonceler, couvrir le monceau avec trois à quatre pouces de terre, la bien battre, & laisser le tout pourrir & se réduire en terreau. Il est vrai que ce terreau ne sera peut-être en état d’être employé que l’année suivante, ou même deux ans après, mais ce n’est jamais qu’une première avance. (Voyez au mot Terreau, la manière de le faire) On suivra la même méthode pour toutes les herbes qui seront arrachées. Il est bien démontré que l’indigo dégraisse & effrite beaucoup la terre, c’est-à-dire que sa végétation absorbe beaucoup le terreau ou l’humus qui est l’ame de la végétation, & on se plaint chaque jour dans nos îles, que les terres à indigo se détériorent de plus en plus. Cependant on a la ressource des herbes des prairies ou savanes, & quelques-unes d’entre ces herbes s’élèvent à plusieurs pieds de hauteur. Tout ce qui n’est pas nécessaire à la nourriture du bétail doit lui servir pour la litière ; & si on n’a point ou peu de bétail, il convient de faire pourrir ces herbes dans des fosses recouvertes avec de la terre, ou bien de faire un lit de six à huit pouces d’herbes, & un lit de deux pouces de bonne terre, & ainsi successivement. On se procurera par ce moyen un bon engrais & peu coûteux. (Voy. le mot Engrais)

Après que le terrain est bien défoncé, un ou plusieurs nègres armés d’un rabot, le nivellent. Ce rabot est un morceau du fond d’un baril percé dans son milieu, & par ce trou passe un manche de six pieds de longueur ; il fait l’office du râteau dans les mains de nos jardiniers. Quelques habitans se contentent de travailler seulement la place où l’on doit semer ; il est vrai que l’ouvrage est plutôt achevé ; mais équivaut-il à celui du labour complet ?

2o. De la manière de le semer. Les nègres qui doivent travailler se rangent sur une ligne dans la partie la plus élevée du terrain, & marchant à reculons, ils font de petites fosses de la largeur de leur houe, & de la profondeur de deux pouces ; chaque fosse est éloignée de cinq à six pouces, & en ligne droite le plus qu’ils peuvent. Pour ne pas être interrompu lorsqu’on plante, il faut auparavant partager les divisions qu’on tire à la ligne, de façon que toutes les chasses doivent être marquées, afin qu’à la première pluie on mette aussitôt la main à l’œuvre, & qu’on ne s’occupe uniquement qu’à planter ; car étant incertain de la durée de cette pluie, & du jour où elle tombera, il est essentiel de ne pas laisser échapper des momens si précieux. À mesure que les nègres font les trous, les négresses, munies d’une calebasse partagée en deux, & remplie de graines, en mettent dans chaque trou que les nègres viennent de faire, pendant que d’autres les suivent immédiatement avec les rabots, & recouvrent ces fosses d’un bon pouce de terre. Sept ou huit graines de l’indigo franc suffisent pour chaque trou, & on en met moins dans les trous de l’indigo bâtard ; il faut diligenter ce travail, lorsque la pluie y invite, & cesser de planter lorsque la terre est sèche.

La nécessité force quelquefois à planter à sec, c’est-à-dire pendant la sécheresse, afin d’avancer la plantation, parce qu’un grain ou deux de pluie de suite ne suffisent pas pour la plantation d’une quantité de terre assez considérable ; mais on ne risque cette façon de planter que dans le tems qui annonce une pluie prochaine. La manière de semer, de recouvrir les trous, est la même. C’est une grande avance pour l’habitant, lorsque le succès répond à son attente : il voit la graine lever tout à la fois, pendant qu’il a le tems d’en planter d’autre, à cause de la nouvelle pluie. Si, au contraire, la sécheresse trompe ses espérances, la graine s’échauffe dans la terre, la chaleur la racornit, & il risque de la perdre entièrement. Si la pluie si desirée n’est pas assez considérable pour pénétrer dans la terre, & qu’elle ne rafraîchisse que la surface, la graine germe, & la radicule n’ayant point assez de force pour s’enfoncer dans la terre, languit & périt enfin.

Si la pluie favorise les semis, la graine de l’indigo franc lève le troisième jour ; mais si elle n’étoit pas bien mûre lorsqu’on l’a cueillie, elle ne pousse que huit jours après, jamais tout à la fois, & à chaque grain de pluie, il en sort de terre. Si, au contraire, elle est trop mûre, il n’est pas rare d’en voir lever d’une année à l’autre. On reconnoît le point préfix de la maturité de la graine, à la gousse qui commence à sécher. La récolte de la graine exige beaucoup d’attention.

Dès que la plante est sortie, le maître vigilant fait sarcler, & tous les quinze jours cette opération est répétée avec soin, jusqu’à ce que la plante soit assez haute & assez forte pour couvrir la terre de son ombre.

3o. Des obstacles à la réussite de sa végétation. Le vent, la pluie, le soleil, la terre même, & quelques insectes sont à craindre, suivant les circonstances. Les vents impétueux agitent, secouent & froissent la jeune plante : s’il survient une pluie & un soleil chaud, comme cela arrive lorsque quelques nuages interceptent, de momens à autres, les rayons de cet astre ; alors la plante imbibée d’eau est calcinée, & on appelle cet accident, le brûlage ; ses rameaux s’inclinent contre terre ; ils se fanent, se consument & se dessèchent.

Si la terre dans laquelle on a semé est trop affoiblie par les récoltes précédentes ; si son terreau est trop absorbé ; en un mot, pour se servir du terme du pays, si elle est trop usée, les tiges sont foibles dès leur naissance, & cette foiblesse les accompagne tout le tems de leur durée.

Trois espèces d’insectes s’attachent à l’indigo. La première ressemble à une chenille, & on la nomme ver brûlant. Il forme une toile à l’instar de celle des araignées ; cette toile se charge de la rosée de la nuit, & lorsque le soleil paroît sur l’horizon, ces rayons rassemblés dans ces gouttelettes qui font l’office d’une loupe, brûlent les jeunes tiges.

On diroit que les ennemis de cette plante se multiplient en raison de sa délicatesse : des essaims nombreux de chenilles dévorent quelquefois en moins de quarante-huit heures les indigos d’un champ entier, & pour comble d’infortune, il succède à ces chenilles une autre chenille nommée le rouleux, & plus grosse que les premières. Celle-ci ronge les pieds, & dévore tellement les bourgeons à mesure qu’ils repoussent, que la plante paroît morte, & périt effectivement quelquefois. Cet insecte s’enfouit dans la terre pendant le jour, sort pendant la fraîcheur de la nuit, & recommence ses dégâts. Cette dévastation dure pendant deux mois, & ces deux mois sont ceux de la plus belle saison pour la récolte de l’indigo.

L’indigo bâtard est moins sujet à ces insectes ; & comme s’il y avoit une compensation du bien & du mal entre tous les individus de la nature, le moindre grain de pluie le dépouille des feuilles, & dès-lors c’est une perte réelle, au moins de moitié, pour la quantité de parties colorantes qu’il auroit fourni.

Pour remédier au dégât que font les chenilles, & sur-tout pour interdire la communication d’un champ à l’autre, ou de la partie infectée avec celle qui ne l’est pas, on ouvre de larges tranchées de plusieurs pieds de profondeur. D’autres se contentent de couper l’indigo tel qu’il est, & de le jeter dans des cuves pleines d’eau avec les chenilles. M. de Préfontaine, dans sa Maison Rustique de Cayenne, dit qu’on a l’expérience qu’en lâchant un ou plusieurs cochons dans les pièces d’indigo attaquées par les chenilles, on donne lieu à ces animaux de secouer les tiges avec leur nez pour faire tomber les insectes, sur lesquels ils se jettent avec avidité. Cet expédient auroit-il le double avantage de détruire le rouleux, si commun au Cap ? La fouille que l’animal feroit dans la terre pour y saisir sa proie, ne déracineroit-elle pas un peu trop le pied de l’indigo ?

4o. De sa coupe, ou du tems de le cueillir. Le tems de la récolte est lorsque les feuilles ont une couleur vive & foncée, qu’elles crient & se cassent aisément, quand on coule la main du bas en haut. Il est essentiel de saisir ce point. Lorsqu’on laisse la feuille se faner, ou sécher sur pied, la qualité & la quantité diminuent. Si on coupe l’indigo avant sa maturité, la couleur en est plus belle, & la fécule moins abondante ; il faut avoir l’attention de n’attaquer la tige qu’à un pouce & demi ou deux pouces au dessus de terre, parce que les rameaux de cette petite souche sont destinés à produire de nouveaux rejetons, qui seront eux-mêmes coupés six semaines après. On choisit pour la coupe un tems humide, autant que faire se peut, afin que l’ardeur du soleil n’endommage pas les endroits d’où on a détaché les feuilles ou les branches, ce qui les feroit périr, ou occasionneroit un ralentissement considérable dans la végétation. Des espèces de faucilles bien tranchantes servent à cette opération.

III. De la préparation de l’indigo. Au moment même où l’on sépare les rameaux de la souche, on les jette sur des toiles qu’on appelle balandres ; elles ont environ trois pieds huit pouces à quatre pieds de longueur sur tous les côtés : à chaque coin de la balandre est un lien ou cordon, & les quatre liens réunis font de la balandre une espèce de sac, afin d’emporter la grande & la petite herbe, sans en perdre dans le transport. Lorsqu’elle est pleine, ou plutôt lorsque le monceau d’herbe est assez considérable pour faire la charge d’un homme, un nègre tient des deux mains les liens, & emporte le tout sur ses épaules & sur son dos. Quelques-uns ont des balandres plus étendues, & qu’on remplit par conséquent du double : alors un bâton assez long traverse les anneaux des quatre liens, & deux nègres chargent le tout sur leurs épaules pour le porter aux cuves. Il faut, le plus qu’il est possible, hâter le transport du champ à l’indigoterie, ne pas trop presser & fouler l’herbe dans les balandres, parce que cette plante est si disposée à la fermentation, que pour peu qu’on attendît, la fermentation s’établiroit, s’échaufferoit fortement, & enfin prendroit feu. Le commencement de fermentation hors de la cuve fait perdre beaucoup de parties colorantes, & nuit à leur qualité.

M. Quatremer Dijonval, dans son Mémoire sur l’indigo, couronné en 1777, par l’académie royale des sciences de Paris, décrit très-bien la préparation qu’il exige ; c’est d’après lui, & d’après l’ouvrage de M. Monnereau, que je vais tracer le plan du travail.

1o. Du trempoir ou pourrissage. Il faut avoir trois cuves dans un attelier couvert, ou au moins abrité des principales injures du tems, & quelques particuliers les ont exposées en plein air. Ces cuves en maçonnerie forte & solide, sont construites sur un plan incliné, & forment un amphithéâtre, afin que la plus élevée dégorge par sa base dans la seconde, & celle-ci dans la troisième. (Voyez au mot Huile, la description du moulin de recense, & la gravure qui explique l’opération : les cuves pour l’indigo sont disposées comme celles de la recense.) La plus élevée se nomme trempoire ou pourriture. Sa forme est ordinairement quarrée, sa longueur de dix pieds sur neuf de largeur & trois de profondeur. Sur deux côtés opposés, sont fortement assujetties en terre deux grosses pièces de bois équarries ; elles excèdent la hauteur de la maçonnerie, assez pour pouvoir passer avec facilité, dans les trous qu’on a pratiqués dans leur partie supérieure, des traverses de bois qu’on retire ou pousse à volonté. Ces traverses, ou coulisses, appelées clefs, empêchent les planches ou palissades, dont la trempoire est recouverte, d’être soulevées par l’herbe en fermentation.

Lorsqu’on apporte l’herbe des champs, des nègres l’arrangent paquets par paquets dans la trempoire, & observent qu’il ne reste point de vide, & qu’elle ne soit pas trop serrée. Trente ou quarante paquets suffisent pour la cuve dont on a donné les proportions. Lorsque la cuve est chargée, on introduit une quantité d’eau suffisante pour la remplir à six pouces du bord, & aussitôt on dispose les palissades, & elles sont assujetties par les clefs.

La fermentation s’établit aussitôt ; elle s’annonce par une prodigieuse quantité d’air qui se dégage avec bruit, & par une multitude de grosses bulles qui se succèdent, & elle s’exécute de la même manière que celle du raisin dans la cuve ; mais elle est plus rapide & plus tumultueuse. Toute l’eau qui surnage, prend à la superficie de la cuve une teinture verte très-caractérisée. Lorsque la couleur verte est au plus haut point d’intensité, on juge que la fermentation est également dans sa plus grande activité. Alors les bulles d’air qui se dégageoient dans le commencement, sont remplacées par des flots d’écume qui s’élèvent & retombent précipitamment dans la cuve. Le bouillonnement est quelquefois si violent, qu’il brise les palissades, & arrache les poteaux scellés en terre. Un fait bien digne de remarque, c’est que toute cette écume est inflammable, & que l’inflammation s’y communique d’une manière aussi rapide qu’à l’esprit de vin ou à l’éther. Cette tendance à l’inflammabilité est-elle due à une partie spiritueuse, qui se développe pendant la fermentation, ou au seul dégagement de l’air inflammable, (voyez cet article au mot Air, Sect. VI, page 344.) contenu dans la plante, ou formé par sa fermentation ou par sa pourriture dans la trempoire ? Cette question peut être considérée comme un simple objet de curiosité, relativement à la fabrication de l’indigo ; mais c’est une jolie expérience de physique à tenter. On s’assureroit si l’inflammabilité est due à un principe spiritueux, comme dans l’eau de vie, en distillant une certaine quantité d’écume, & de l’eau contenue dans la trempoire. Je prie ceux qui feront cette expérience de m’en communiquer le résultat.

Il faut beaucoup d’habitude dans celui qui conduit l’indigoterie, pour bien juger du complément ou point parfait de la fermentation. Les saisons le font beaucoup varier. Par exemple, si les pluies ont été fortes & trop long-tems soutenues, la plante végète mal, & le grain qu’elle donne dans la cuve est imparfait ; alors c’est le cas de juger du degré de fermentation par la couleur de l’eau. Lorsque la sécheresse a régné, l’indigo produit un grain mal formé, l’eau se charge de crasse, & la crasse annonce une cuve trop pourrie. À la première coupe de l’indigo, la terre est encore trop fraîche, ainsi que l’eau ; alors la cuvée montre un faux grain. Si la coupe s’exécute immédiatement après le ravage des chenilles, une crasse règnera sur sa surface ; & il ne faut pas la confondre avec celle fournie par le trop de pourriture, &c.

2o. Du battage. Lorsque l’indigotier reconnoît par les signes accoutumés, que la fermentation est assez avancée, & que les atômes colorans commencent à se réunir, il saisit ce moment pour couler tout l’extrait dans la seconde cuve, qu’on nomme la batterie. Elle est semblable à la première, & pour sa forme & pour ses dimensions.

Les habitans qui aiment à faciliter le travail, & qui veulent en diminuer, le plus qu’il est possible, le poids pour leurs nègres, font enfoncer dans terre, sur les bords de la cuve, deux pièces de bois de chaque côté, & taillées en manière de fourche à leur extrémité supérieure. Cette fourche est traversée par un axe, & cet axe traverse le manche du baquet ou bucquet, de sorte qu’il reste mobile &, pour ainsi dire, en équilibre. Ces baquets sont des espèces d’écopes sans fond, emmanchés à des bâtons de moyenne grosseur, & longs de dix à douze pieds ; on les agite sans cesse de haut en bas : quatre nègres frappent, sans discontinuer, la superficie de la liqueur avec ces instrumens. Cette opération excite de nouveau une écume considérable ; & quelquefois elle devient si forte, qu’elle gêne les coups des baquets. Ce mouvement rapide prolonge tous les avantages de la fermentation, sans permettre à l’extrait de passer à la putridité. D’ailleurs cette opération facilite l’agrégation des parties ; elle rassemble les molécules colorantes, si divisées dans l’eau de la première cuve, & forme peu à peu ce grain regardé par les indigotiers comme l’élément de la fécule.

Une heure ou deux après qu’on a cessé de battre, il convient de visiter la qualité de l’eau. Jamais une mauvaise cuve ne produit de belle eau ; & plus son eau est chargée, plus elle est suspecte de trop de pourriture, ou quelquefois de trop de battage. Il y a une autre qualité d’eau qui est commune à une cuve trop pourrie. Cette eau est brune dans le haut, & à un pouce plus bas elle est verte. C’est une marque infaillible de son excès de pourriture. Ces circonstances sont ordinairement accompagnées d’une fleur épaisse qui se partage en petits crapauds, pour se servir des termes de l’art, & ces crapauds couvrent toute la batterie immédiatement après qu’on a cessé de battre. Lorsque son excès n’est pas outré, elle présente une eau d’un verd clairet, quelquefois elle est brune, & on a même bien de la peine à s’appercevoir de son défaut ; l’eau en reste nette, sans aucune crasse : mais ces eaux sont extrêmement difficiles à égoutter, & faciles à battre, parce que cet indigo écume beaucoup. Lorsque l’indigo est molasse & tire sur l’ardoise pour la qualité, cela manifeste une heure ou deux de pourriture ; on pourroit même l’estimer à trois heures dans la belle saison, parce que la fermentation ne fait pas plus de progrès en trois heures à la fin de Juin, qu’elle en feroit dans une heure, lorsque les saisons sont dérangées. Plus l’indigo a de corps, plus sa feuille reste long-tems à pourrir.

Une cuve, au contraire, qui manque de pourriture, montre presque toujours une eau rousse, ou d’une couleur verte tirant sur le jaune. Lorsque l’indigo est battu à propos, il est exempt de tout mélange de bleu ; mais il est plus ou moins rouge, à proportion qu’on s’écarte de son point : quelquefois on prendroit l’eau pour de la véritable bière. Cette règle n’est pourtant pas si certaine, qu’elle ne souffre de l’exception ; car il y a des coupes entières qui sont toujours rouges, quoiqu’elles aient éprouvé un degré de pourriture convenable : mais alors l’indigotier peut s’en appercevoir au grain. L’eau rouge n’est jamais d’un mauvais présage ; l’indigo en égoutte bien, & sa qualité en est toujours belle.

L’eau qui a la couleur de l’eau-de-vie de Coignac, est la plus belle qu’on puisse desirer, parce qu’alors on est assuré d’en avoir tiré la quintescence, & qu’il ne manque rien, soit en battage, soit en pourriture : on chercheroit en vain la belle qualité de cette eau dans la première & dans la dernière coupe.

La pourriture ou fermentation est un point essentiel à bien saisir, celui du battage n’est pas moins critique. Si on veut battre une cuve comme il convient, il faut que l’indigotier soit, premiérement, convaincu du plus ou du moins qu’elle peut avoir. S’il est habile, il en sera instruit avant que le grain soit formé ; s’il y a de l’excès, il ménagera le battage ; s’il en manque, il doit pousser jusqu’à raffiner ; s’il a son point fixe, il doit bien se garder de l’outrer. Pour peu qu’il lui donne trop, il lui ôte son plus beau lustre. Si on ne veut pas excéder, il faut observer lorsque le grain est sur son gros & les degrés de sa diminution, jusqu’à ce que ce grain soit parfaitement rond ; qu’il roule l’un sur l’autre comme des grains de sable fin ; qu’il se dégage bien de son eau ; que cette eau paroisse claire & nette ; & que la preuve qui couvre le fond de la tasse d’argent, ou tasse d’essai, ou tasse d’épreuve, cherche à joindre l’eau quand on l’incline, de façon que le fond de la tasse reste nud & sans aucune crasse ; alors il est tems de cesser. Si le battage est continué, on tombe dans l’inconvénient de dissoudre les parties les plus subtiles, parce que les grains fournis par la tige n’ont pas la même consistance que ceux fournis par les feuilles. C’est ce qu’on remarque souvent après le battage d’une cuve trop poussée par une espèce de grain volage qui reste entre deux eaux, & qui, quoiqu’imperceptible, nuit extrêmement à l’écoulage de l’eau ; d’où il résulte que la dissolution des grains imparfaits, qui ont eu trop peu de battage, ne leur laisse pas le poids suffisant pour se précipiter au fond. De-là il s’ensuit que l’indigo a peine à égoutter ; ces grains fins s’attachent aux sacs dans lesquels on le met, & en bouchent les pores. Ce défaut dans la manipulation rend l’indigo molasse.

3o. Du bassinet, ou bassinot, ou diablotin. Quand le battage doit-il finir ? Il n’y a point d’époque fixe : on doit le suspendre dès que le grain est bien décidé. On reconnoît encore ce point critique, lorsque la couleur de l’extrait, si verte avant le battage, devient d’un bleu assez caractérisé. Dès-lors, on laisse le tout en repos, au moins pendant l’espace de deux heures. Dans cet intervalle, la partie jaunâtre, qui étoit un des principes de la couleur verte, & qui ternit encore la vivacité du bleu, se sépare de la fécule, la laisse précipiter au fond de la batterie, & surnage à la partie supérieure de l’extrait auquel elle donne une teinte dorée. C’est lorsque cette précipitation paroît bien accomplie, qu’on commence à décanter dans la troisième cuve ou bassinet. Au lieu de trois ouvertures ou robinets que porte la batterie, elle en a une seule à son extrémité pour laisser perdre l’eau. On commence par ouvrir le robinet supérieur de la batterie, & on laisse cette eau, après qu’elle est tombée du diablotin, se perdre & s’écouler dans la campagne. On en fait autant de l’eau qui s’échappe ensuite par le robinet placé un peu au-dessous. La fécule, après ces deux décantations, se trouve presque à sec : on étanche encore, autant qu’il est possible, le peu d’eau superflue qui peut y rester ; après quoi on lâche le dernier des trois robinets, & on y recueille précieusement la fécule, qui est d’une consistance à demi-fluide. On la retire du diablotin pour la couler dans des chausses de toile, qu’on suspend les unes à côté des autres ; l’indigo s’y desséche de plus en plus. Lorsqu’il est presque à l’état de pâte, on le coule sur des caisses quarrées, dont le rebord a environ deux pouces & demi, & on laisse d’abord ces caisses à l’ombre sous des angars, qu’on nomme sécheries, ou bien on les expose à l’air libre avant la grande ardeur du soleil. Peu à peu on les expose à une chaleur plus vive ; & enfin, lorsqu’on s’apperçoit que cette pâte est parvenue au point de dessiccation desirée, on la divise en parties de la grosseur & de la forme connues dans le commerce. Après avoir laissé ces cubes, qu’on nomme alors pierres d’indigo, se ressuyer encore quelque tems à l’ombre des angars, ils n’ont plus aucune façon à recevoir, & on peut dès ce moment les mettre en futaille.

Il faut observer que les quarrés d’indigo qui ont séché à l’ombre, ne refluent pas autant dans les caisses comme ceux séchés au soleil. Le premier a resté quelquefois pendant six semaines avant d’avoir acquis la siccité convenable. Pendant cette époque, sa surface devient blanche comme de la chaux, & cette façon de sécher lui est très-favorable ; il semble qu’il en acquiert une nouvelle liaison, ses pierres sont plus dures, & son lustre se raffine.

4o. Du pétrissage. C’est une pratique assez généralement adoptée dans les indigoteries, de pétrir l’indigo dans les caisses pour lui donner, dit-on, une liaison qui raffine celle qui lui est naturelle. Cette prétendue liaison ne dépend uniquement que du degré de pourriture & de battage, & principalement de ce dernier. Une cuve qui péche par l’un ou par l’autre, en fournit la preuve ; alors l’indigo s’écrase au moindre choc. Il résulte souvent du pétrissage une perte considérable. Le soleil mange la couleur de l’indigo, qui se trouve comme ardoisé par-dessus, & cette couleur pénètre de l’épaisseur d’une demi-ligne. Cet indigo brûlé du soleil se mêle parmi l’autre en le pétrissant, & peut occasionner des veines ardoisées qui en diminuent le prix. On ne sauroit le pétrir sans l’avoir auparavant exposé au soleil pendant trois ou quatre jours, ce qui le rend aussi mou que le premier jour qu’on l’y a placé. Ce retardement est souvent cause que les vers s’y mettent ; accident sans remède, dont on ne peut le garantir que par de grandes précautions, sur-tout s’il survient des tems pluvieux. Ces insectes mangent une partie de l’indigo, & l’autre partie, qui ne sauroit sécher qu’avec une peine incroyable, est un indigo inférieur dont le prix diminue de la moitié.

L’indigo qui a été exposé au soleil pendant trois à quatre jours, contracte une odeur très-forte, & elle attire les mouches. Ces insectes se jettent dessus l’indigo, en dévorent autant qu’elles le peuvent ; y déposent leurs œufs, d’où sortent des vers en moins de quarante-huit heures. Ces vers s’insinuent dans les fentes de l’indigo ; & là, ils travaillent avec tant d’ardeur à l’abri du soleil, qu’ils le réduisent en bouillie, le chargent d’une humeur glutineuse qui s’oppose à sa parfaite dessiccation, & cause une perte réelle. Lorsque le tems est pluvieux ou couvert, on est quelquefois obligé de faire un feu continuel dans la sécherie, afin que la fumée épaisse empêche les mouches de se jeter sur les caisses.

Les détails dans lesquels on vient d’entrer, démontrent combien il est difficile de conduire les opérations par lesquelles on obtient enfin la pierre d’indigo, & que ces opérations n’ont point de règles parfaitement fixes. M. Monnereau fournit des observations qui ne sont pas à négliger.

La rapidité de la fermentation exige qu’on veille les cuves pendant la nuit comme dans le jour, ce qui fait souvent contracter des maladies dangereuses. Voici comment s’explique M. Monnereau : « Allant un jour sonder une petite cuve, j’y fus vers le coucher du soleil, & nous étions dans une saison où la fermentation est très-expéditive, c’est-à-dire, au mois d’Octobre : j’observai que la cuve commençoit à jeter sa teinture verte ; je la sondai pourtant ; & estimant qu’elle pourroit porter jusque vers les deux heures après minuit, & l’idée remplie du degré de son bouillon, je consultai ma montre. Après avoir ordonné de lâcher l’eau à l’heure que j’indiquois, je me reposai tranquillement ; & je trouvai le lendemain avoir fort bien réussi. Je fis la même observation à la seconde cuve, avec cette précaution de m’y trouver deux heures plutôt ; & trouvant son bouillon au même degré de l’autre, j’en diminuai les deux heures qu’elle me parut avancer, & j’eus le même succès. Je continuai ainsi le reste de la coupe sans m’écarter de ce plan, & je m’y réglai en quelque façon mieux qu’en sondant. »

Pour trouver le point fixe de la dissolution, il faut toujours commencer à sonder de bonne heure une cuve, sur-tout la premiere, afin de ne pas être surpris, & s’attacher également à la qualité de l’eau comme à celle du grain, & répéter cette inspection toutes les quatre heures. Trois visites suffisent ; par exemple, quand on a sondé la cuve pour la première fois, s’il reste, je suppose, encore dix heures à fermenter, & qu’on aille, quatre heures après, faire la seconde visite, on sait à quoi s’en tenir pour la troisième.

Lorsqu’on fait ces visites de loin en loin, les changemens frappent la vue d’une manière plus décidée. Si à la troisième visite de la cuve elle se trouvoit passée, il n’est pas douteux qu’on s’en appercevroit à l’eau, & on pourroit estimer & calculer son excès par la visite précédente. Dans ce cas, l’eau ne présente plus ce verd vif ; il règne à sa place un verd sale ou un jaune pâle, marques évidentes de son excès ; l’eau même qui rejaillit sur les mains n’y fait aucune impression ; tandis que si la pourriture n’a pas été assez forte, chaque goutte d’eau fait sur les mains une impression si grande, que pour l’effacer, il faut les laver plusieurs fois de suite avec du savon.

5o. Des différentes figures du grain, suivant l’ordre des saisons. On distingue trois sortes de tems, le sec, le favorable & le pluvieux. Dans le premier, le grain est alongé en forme de pointe ; dans le second, il est rond comme du sable, & dans le troisième, il est plat & évasé. Ce dernier tems exige beaucoup d’application de la part de l’indigotier. Il verra que le grain se sépare facilement de son eau en le roulant dans la tasse, & laisse une eau d’un verd brillant & foncé ; au lieu que dans une cuve qui est trop pourrie, le grain, quoique évasé comme l’autre, ne s’en sépare qu’avec peine, & reste comme à flot entre deux eaux, dont la couleur est souvent d’un jaune pâle ou d’un verd noirâtre, & quelquefois d’un verd blanchâtre. Il succède à cette eau une fleur semblable à une lie, dont les molécules s’unissent & forment dans la tasse, sur la surface de l’eau, comme un demi-cercle ; c’est une preuve bien certaine de son excès. Une cuve qui manque de pourriture peut aussi former une fleur occasionnée par la quantité de pluie, ou parce que la graine étoit déjà nouée par la trop grande maturité de l’herbe ; mais alors les molécules ne s’entretouchent pas.

Il est clairement démontré que la fermentation est absolument nécessaire au développement de tous les principes de l’indigo. Cette fermentation ne peut s’exécuter qu’en suivant les loix assignées par la nature ; elle doit donc avoir une marche réglée, & plus ou moins accélérée ou retardée, suivant les circonstances : dès-lors, elle doit donc porter avec elle les signes de son complément ; & ces signes ne sauroient être équivoques, si la marche de cette fermentation ressemble à celle du vin dans la cuve. (Voyez les mots Fermentation, Vin.) La cuve d’indigo bouillonne plus que celle du vin ; mais dans l’une & dans l’autre, l’ascension du fluide à son plus haut point, n’offriroit-elle pas une règle sûre pour déterminer le moment préfix où l’on doit couler la cuve ? Je ne puis rien affirmer pour l’indigo, parce que je n’ai jamais été dans le cas d’en suivre la fermentation ; je crois cependant qu’il doit y avoir une grande analogie entre l’une & l’autre. Si elle existe, il y a tout lieu de croire que le point caractéristique est le même. Je prie ceux entre les mains de qui cet Ouvrage passera, d’avoir la complaisance d’examiner & de vérifier mon doute, & de me communiquer leurs réflexions.

Ce qui concerne l’emploi de l’indigo pour les teintures & son analyse chimique, n’entre pas dans le plan de ce Cours d’Agriculture ; je me contente d’indiquer les ouvrages que l’on doit consulter. Le T. IX des Savans Étrangers, publié par l’académie des sciences de Paris, renferme trois mémoires ; le premier est de M. Quatremer Dijonval ; le second de M. Hecquet d’Orval, & le troisième est de M. Bergman. Ces trois mémoires établissent une théorie complette de la teinture qu’on retire de cette substance singulière, & de la manière de conduire les cuves, de les remonter par des réchaux, &c. Ces mémoires ont donné lieu à quelques discussions utiles ; elles sont imprimées dans le Journal de Physique du mois d’Octobre 1777, & dans celui de Janvier & de Mai 1778.