Cours d’agriculture (Rozier)/CŒUR

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 419-421).


CŒUR, Médecine rurale. Le cœur est cet organe admirable, renfermé dans la poitrine, placé au milieu de cette cavité, & le premier agent d’une des plus importantes fonctions de la vie, de la circulation du sang. Le cœur est une partie creuse, divisée en deux cavités, que l’on nomme ventricules, surmontées chacune de deux espèces de sacs, que l’on nomme oreillettes.

Tout le sang du corps est porté au cœur par une quantité prodigieuse de vaisseaux, que l’on nomme veines : ces derniers se réunissent en un seul canal, nommé veine cave, tombent dans l’oreillette droite du cœur, de-là dans le ventricule droit. Le cœur se resserre alors, & il chasse le sang dans les poumons, par le moyen de leurs artères. Le sang, après avoir subi quelques changemens dans les poumons, par le moyen de l’air, retourne au cœur, porté par les veines des poumons, tombe dans l’oreillette gauche, & de-là dans le ventricule gauche. Le cœur se resserre encore & chasse le sang dans une grande artère, nommée aorte ; & cette artère, en se divisant en une infinité prodigieuse de canaux, va porter le sang dans toutes les extrémités du corps : les veines reprennent le sang dans ces extrémités, le reportent au cœur, en suivant toujours les mêmes loix. Tel est le mécanisme de la circulation du sang, depuis que l’animal reçoit la vie, jusqu’à l’instant où il cesse de vivre. Chez les enfans renfermés dans le sein de leur mère, la circulation se fait différemment : nous aurons occasion d’en parler à l’article Enfant, où nous avons rassemblé tout ce qu’il est intéressant de savoir sur cet objet, relativement à l’éducation physique, & aux maladies de cet âge.

Après avoir donné une idée du cœur, & de la circulation du sang, nous allons parler des maladies de cet organe.

Les maladies du cœur sont fort obscures ; l’ouverture des cadavres prouve que cet organe est susceptible de toutes les maladies ; comme inflammation, suppuration, vers, pierre, ulcère, anévrisme, &c. mais les signes qui annoncent l’existence de ces maladies dans les autres parties du corps, ne nous sont point encore connus, relativement au cœur. C’est pourquoi, nous nous bornons à parler des maladies du cœur qui sont le plus connues, telles que les palpitations, l’oppression cardiaque, & la syncope ou foiblesse.

I. Des palpitations du cœur. Les palpitations du cœur sont un mouvement convulsif de ce viscère, si violent & si terrible, que non-seulement il est sensible au toucher, mais encore qu’il est apperçu par les yeux, & qu’on l’entend même.

Les causes des palpitations sont quelquefois fixées dans le cœur, & quelquefois dans son enveloppe, qu’on nomme péricarde. Ces causes sont tantôt des excroissances, tantôt l’ossification de la grande artère, nommée aorte ; des vers dans le cœur même, & dans le péricarde, un abscès dans le cœur, l’hydropisie du péricarde, une constitution du sang contre nature, venant de vices, tels que le scorbut, la vérole, &c. ou le trop grand épaississement du sang, des pierres, les pâles couleurs des filles, la suppression des règles, des anévrismes venus de causes internes, comme des vices dont nous venons de parler ou des causes externes, comme des chutes, des coups, &c. des répercussions de maladies de la peau, des hémorroïdes, de la goutte & du rhumatisme, des maladies de nerfs, des passions violentes, la joie excessive, la crainte, les chagrins profonds.

Il est aisé de distinguer les palpitations des autres maladies, par le tact & par la vue ; mais le jugement qu’on peut porter sur la vraie cause des palpitations, n’est pas aussi facile : cependant les palpitations qui viennent de cause connue, disparoissent en combattant cette cause ; mais quand cette cause est locale, & que les palpitations persistent, & se manifestent sans interruption, il faut les regarder comme absolument incurables.

Les saignées sont, en général, très-nécessaires, quand les palpitations viennent de l’épaississement du sang, ou des suppressions sanguines, quelconques : alors on les administre suivant la nature de la suppression. On saigne du pied, si les palpitations viennent des règles supprimées ; on applique des sangsues, si elles viennent d’hémorroïdes ; & si la tête est douloureuse, on met les pieds dans l’eau tiède : mais le premier & le plus efficace de tous les moyens, c’est le régime. Il faut que la personne attaquée de palpitations, calme les mouvemens impétueux de ses passions, vive de lait, fasse usage de tisane adoucissante, faite avec les plantes aqueuses, & prenne quelques calmans, comme le quinquina, le camphre, le castoreum, &c.

Si les palpitations viennent de mauvais levains dans l’estomac, qui, produisant des matières crues & indigestes, passent dans cet état dans le torrent de la circulation, il faut faire usage de purgatifs, d’amers, & de lavemens purgatifs : l’estomac se rétablit, la digestion se fait bien, les crudités disparoissent, & les palpitations ne reparoissent plus. Si les pâles couleurs ont donné naissance aux palpitations, les apéritifs, tels que les cloportes, les martiaux, les savons, les purgatifs doivent être mis en usage.

II. De l’oppression cardiaque. Cette maladie se manifeste par une difficulté considérable de respirer, par un poids énorme que le malade éprouve sur la région du cœur, par des palpitations, des foiblesses.

Cette maladie doit sa naissance aux violentes passions de l’ame, chez les gens irritables & foibles. Les liqueurs spiritueuses, l’eau de luce respirée, les frictions sur toute l’habitude du corps, suffisent quelquefois pour cet état d’anxiété, qui, négligé, conduit infailliblement à la mort.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette maladie, qui règne particulièrement dans les grandes villes, où toutes les passions factices de la société assiègent l’homme affoibli par l’intempérance & par l’éducation, & dont les accès violens le privent quelquefois de la vie en peu de temps. Les habitans de la campagne, moins éloignés de la nature, ne sont pas tant exposés à ces désordres des passions tumultueuses.

III. De la syncope ou foiblesse. La foiblesse universelle du corps, la pâleur du visage, l’obscurcissement de la vue, la diminution, puis la perte du mouvement & du sentiment, & le froid des extrémités, caractérisent la syncope. Ce qui la distingue des autres maladies, où le sentiment & le mouvement sont, ou diminués considérablement, ou perdus, c’est l’état du pouls, de la respiration, qui, dans la syncope, sont quelquefois diminués à un tel degré, qu’on a réputé morts les gens qui en étoient attaqués : les membres cependant conservent encore dans cet état leur flexibilité, & c’est le seul signe de vie qui reste.

Cette maladie a différens degrés ; l’évanouissement, la foiblesse & la syncope, qui est le dernier degré.

La syncope doit son existence à l’épuisement, soit par le défaut de nourriture, soit par l’excès du travail, des chagrins & des plaisirs de l’amour. Chez les gens foibles, la vue d’un objet désagréable fait tomber en syncope ; les gens épuisés par de longues maladies, sont sujets aux convulsions. La syncope est un accident dangereux, quand, sans cause apparente, elle reparoît souvent : ceux qui en sont attaqués meurent subitement. La syncope ne doit jamais le jour aux polypes du cœur ; car ces prétendus polypes n’ont jamais été observés au cœur ; c’est encore une erreur de l’ignorance vulgaire.

Il faut, dans la syncope, coucher le malade sur le dos, lui faire respirer un air pur & frais, lui jeter de l’eau froide au visage, le chatouiller, & lui exciter même de la douleur en le pinçant. On lui fait respirer de l’eau de luce, de l’alcali volatil & des sternutatoires. On applique au creux de l’estomac, des linges trempés dans des spiritueux, dont on fait avaler quelques cuillerées ; il faut regarder la saignée comme dangereuse, quand les malades ont été affoiblis par des pertes quelconques : les lavemens irritans conviennent encore pour donner une secousse à la machine, & rétablir le jeu des organes de la circulation, & qui, suspendu ou diminué de beaucoup, ne tarde pas à priver le malade de la vie. M. B.