Cours d’agriculture (Rozier)/CIBOULE

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 339-341).


CIBOULE. Cette plante est de la même classe que l’ail, Suivant M. von Linné, qui l’appelle allium fistulosum. M. Tournefort en fait un genre à part, & il l’appelle cepa cblonga. (Voyez la description de l’Ail) Elle en diffère spécifiquement par sa tige, qui est nue & de la grandeur des feuilles, & par ses feuilles cylindriques & renflées dans le milieu.

I. Nos jardiniers en distinguent trois espèces : la commune, celle de Saint-Jacques, & la vivace. Celle de Saint-Jacques est une variété de la commune. La vivace est l’allium schœnoprasum. Lin. M. Tournefort la désigne ainsi : cepa sterilis junci folia perennis.

1. Ciboule commune. La bulbe ou oignon est alongée & formée par plusieurs tuniques en recouvrement les unes sur les autres. De cette bulbe mère, il en sort une infinité d’autres qui forment un groupe tout autour, ou touffe.

La tige s’élève à la hauteur de vingt-quatre à trente-six pouces, droite, lisse, creuse, renflée dans son milieu, terminée par une tête conique, semblable à celle de l’ail, & dont elle en retient une légère odeur.

Les feuilles qui environnent cette tige, sont creuses, terminées en pointes, menues, hautes de huit à neuf pouces.


2. Ciboule vivace ; elle est originaire des lieux incultes de la Sibérie. Son caractère spécifique est d’avoir ses bulbes aplaties, elliptiques ; ses feuilles très-menues, cylindriques, pointues, à peu près de la longueur de la tige qui est terminée par un groupe de fleurs de couleur pourpre, mais claire, marquées, dans leur milieu, par une raie plus foncée ; ses fleurs, proportion gardée avec leur volume, sont plus longues que celles des autres aulx, que je crois être l’allium schœnoprasum pyramidalis. Lin. ou la ciboule de Saint-Jacques, dont les feuilles sont plus courtes, un peu renflées dans leur milieu, & couchées sur terre. Les fleurs rassemblées en forme de tête au sommet de la tige, sont en pyramide.

Nos jardiniers en admettent encore trois variétés, qu’ils désignent sous le nom de cive, ou ciboule de Portugal, grosse cive d’Angleterre, & petite cive. Elles ne diffèrent entr’elles que par le plus ou moins de longueur & de grosseur de leurs feuilles.

II. De la culture des Ciboules. Dans les provinces méridionales, on sème la ciboule annuelle, depuis la fin de février jusqu’à celle du mois d’août ; celle de février passe mieux l’hiver suivant. La ciboule vivace se multiplie par rejetons, & non par la graine. Dans les provinces du nord, on sème dès qu’on ne craint plus les gelées, & on en sème de quinze en quinze jours également jusqu’au mois d’août, afin de l’avoir plus tendre.

La terre destinée aux semis, doit être bien fumée & bien travaillée ; & la semence, jetée assez épaisse, doit être recouverte d’un pouce de terreau. La pépinière exige d’être tenue dans la plus grande propreté, & exempte de toutes mauvaises herbes.

Dès que la ciboule est assez forte pour être levée de la pépinière, on la repique en joignant trois ou quatre bulbes ensemble. Les trous sont à six pouces de distance, & on leur en donne trois de profondeur.

Les amateurs, qui aiment à jouir de cette plante pendant toute l’année, garantissent des froids les semis du mois d’août, ou les pieds repiqués en automne ; alors, on peut, au printemps, en couper les feuilles pour les usages ordinaires, & attendre la nouvelle ciboule.

C’est de ces touffes qu’on recueille la graine en juin, juillet & août, suivant le climat. Si on vanne cette graine aussitôt après qu’elle est sèche, elle se conserve bonne à semer, seulement pendant deux ans ; si lors de la maturité de la graine, on coupe les tiges, on les lie par bottes, on les enveloppe avec du papier, &, que, dans cet état, elles restent quelques jours exposées au soleil, puis suspendues dans un lieu sec, alors la graine se conserve bonne pendant quatre ans. Toutes les graines, en général, devroient être conservées dans les enveloppes que la nature leur a données : il semble que l’homme s’attache à contrarier ses vues jusque dans les plus petites chosès, comme s’il n’avoit pas toujours le temps de nettoyer la graine au moment de la semer.

Il n’est pas surprenant que la ciboule vivace, & celle de Saint-Jacques, supportent, dans nos jardins, la rigueur des hivers les plus froids ; il suffit de considérer quel est leur pays natal. Elles perdent tout au plus leurs feuilles dans cette saison, & elles reparoissent aussitôt que les premiers beaux jours échauffent l’atmosphère. Le printemps & l’automne sont les deux époques auxquelles on peut séparer les touffes, & d’une seule en faire jusqu’à dix ou douze. La ciboule vivace est, sans contredit, l'espèce qui mérite le plus d’être cultivée : quoique moins délicate au goût que la ciboule annuelle, elle exige bien moins de travail.

Dans nos provinces du nord, on sépare des mères-tiges une certaine quantité de bulbes que l’on transporte dans la serre, & qu’on plante dans une tranchée, afin d’en jouir pendant tout l’hiver. Dans les provinces méridionales, cette précaution est superflue.