Cours d’agriculture (Rozier)/COUP DE SOLEIL, et COUPS REÇUS

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 528-529).


COUP DE SOLEIL, et COUPS REÇUS. Lorsque les rayons du soleil dardent sur une partie du corps, ou sur plusieurs à la fois, il s’ensuit une maladie nommée coup de soleil, & cette maladie est plus ou moins grave, suivant l’importance de la partie sur laquelle les rayons solaires se sont réunis.

À la suite d’un coup de soleil, il paroît sur la partie frappée des plaques rouges, brunes ou noires, suivant que le coup est plus ou moins fort.

On a vu des ivrognes périr subitement, après avoir reçu un coup de soleil sur la tête, parce que ces gens ont la pernicieuse habitude de se coucher la tête nue au soleil ; croyant, quand il leur reste quelques étincelles de raison, que le soleil dissipe l’ivresse.

Le coup de soleil, lorsqu’il est fort, diffère peu de l’apoplexie. Ceux qui ne succombent pas à cette attaque, gardent long-temps des maux de tête violens ; quelques-uns perdent la vue, ou ont ce sens prodigieusement affoibli ; quelques autres enfin demeurent imbécilles.

Les gens de la campagne, qui passent des journées entières, occupés aux travaux multipliés de l’agriculture, & exposés à toute l’ardeur du soleil d’été, sont sujets aux coups de soleil, & quelquefois cette maladie dégénère en fièvre chaude.

Lorsque le coup de soleil est moins fort, le ravage se porte sur les yeux qui se gonflent beaucoup & deviennent très-rouges. M. Tisser parle de maladies semblables arrivées à des gens qui s’étoient endormis la tête nue vis-à-vis d’un grand feu.

Les gens attaqués de violens coups de soleil éprouvent tous les symptômes de la fièvre chaude nommée frénésie ; (voyez ce mot) ils sont déchirés par des maux de tête horribles, leurs yeux sont secs & brillans ; ils sont dévorés par une soif inextinguible ; ils ont des convulsions à la tête, le sommeil n’approche point de leurs paupières, & le délire ne tarde pas à s’emparer d’eux, M. Tisser parle d’un homme qui, exposé long-temps aux rayons brûlans du soleil, mourut, en peu de temps, dans tous les symptômes de la rage.

Il faut traiter cette maladie, comme on traite la frénésie ou fièvre chaude ; il faut verser le sang du bras, du pied & de la gorge, & en proportionner la quantité à la gravité des symptômes & à la force du malade ; il faut plonger les pieds dans l’eau tiède, conseiller les remèdes émolliens & adoucissans, faire boire abondamment au malade, du petit lait, de l’eau de veau légère émulsionnée en jetant l’eau de veau bouillante sur une douzaine d’amandes douces écrasées, de l’oxicrat & de la limonade ; il faut bassiner la partie frappée du soleil avec l’oxicrat, faire, en un mot, le traitement de la grande inflammation, & employer les purgatifs acides, les tamarins à la dose de trois onces, lorsqu’il y a rémission, détente ou diminution bien marquée des symptômes caractéristiques.

On a conseillé l’usage des bains froids, & l’expérience a prononcé victorieusement en leur faveur ; mais il faut, auparavant de les employer, avoir vuidé suffisamment les vaisseaux ; sans cette précaution les accidens croîtroient ; on joint encore à ces moyens, les douches d’eau froide sur la tête.

Pour éviter les coups de soleil, il faut ne jamais s’y exposer la tête nue, pendant l’été sur-tout, & ne jamais s’endormir au soleil, après avoir mangé. Le soleil fait sur la tête l’effet d’un vésicatoire, il pompe & fait remonter dans cette partie toutes les humeurs indigestes.

Des coups reçus. Il arrive souvent qu’après des coups reçus sur différentes parties du corps, & notamment sur la tête, l’on reste dans un état d’asphyxie, semblable à celui des noyés, & réputé pour mort par des gens qui ne portent pas une attention scrupuleuse sur cette situation alarmante. Comme les malheureux qui sont dans cet état, sont absolument comme ceux qui ont été saisis par le froid, voy. Asphyxie & Noyés, pour les moyens qu’il convient d’employer, afin de rendre à la vie ces infortunés prêts à être engloutis encore vivans dans les tombeaux. M. B.