Cours d’agriculture (Rozier)/CYPRÈS

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 618-620).


CYPRÈS, improprement appelé Femelle. M. Tournefort le place dans la troisième section de la dix-neuvième classe, qui comprend les arbres à fleurs en chaton, dont les fleurs mâles sont séparées des fleurs femelles, mais sur le même pied, & dont le fruit écailleux est en forme de cône, & il l’appelle cupressus meta in fastigium convolutâ quæ fæmina plinii. M. von Linné le nomme cupressus semper virens, & le classe dans la monoecie monadelphie.

I. Description. Fleurs mâles & femelles sur & même pied ; les mâles composées de quatre sommets d’étamines, attachés à la base d’une écaille, & c’est l’assemblage de ces écailles qui forme un chaton ovale ; les fleurs femelles Sont rassemblées en forme de petits cônes écailleux, composés de germes à peine visibles, placés à la base de chaque écaille.

Fruit, cône presque rond, composé de petites portions rondes & anguleuses, qui se séparent dans la maturité & entre lesquelles on trouve de petites Semences anguleuses, aiguës.

Feuilles, espèce de petites écailles verdâtres, pointues, rangées comme des tuiles en recouvrement les unes sur les autres, le long de petits rameaux quarrés.

Port, très-grand arbre dans nos provinces méridionales, formant une belle pyramide, ses branches resserrées les unes contre les autres ; le bois odoriférant, presque incorruptible ; les fleurs & les fruits épars, les feuilles opposées toujours vertes. Dans les provinces du nord, sa couleur verte tire sur le noir pendant l’hiver, & son ton est plus bleuâtre dans celles du midi.

Lieu, l’orient ; très-commun en Italie, en Provence, en Languedoc.

Propriétés. Le bois répand une odeur pénétrante ; il a un goût âpre : les noix de cyprès constipent, diminuent quelquefois la diarrhée par foiblesse de l’estomac & des intestins, ainsi que les pertes blanches : en gargarisme, elles fortifient les gencives & tendent à déterger les ulcères simples de la bouche.

Usage. On prescrit la noix de cyprès, depuis demi-once jusqu’à deux onces en macération au bain-marie dans cinq onces d’eau.

II. Des espèces. 1. Cyprès improprement appelé mâle. Cupressus ramos extrà se spargens quæ mas Plinii, Tournefort. cupressus semper virens ß mas, Lin. On conçoit combien ces dénominations de mâle & de femelle sont impropres, puisque tous les cyprès portent des fleurs mâles & femelles sur le même pied. Celui-ci diffère du précédent en ce qu’il étend ses branches çà & là, & non pas resserrées contre le tronc comme le premier.

Comme je n’ai pas vu les autres espèces, je vais transcrire ce qu’en a publié M. le Baron de Tschoudi.

2. Cyprès à feuilles aiguës, disposées en écailles & à rameaux horizontaux. Cyprès étendu, cyprès d’orient. Il l’appelle cupressus foliis imbricatis, acutis, rarnis horisontalibus. L’excellente qualité de son bois a engagé les candiots à en faire de grandes plantations ; ils l’appellent la dot de leurs filles, tant elles sont de bon rapport. Cet arbre croît aussi vite que le chêne, devient presque aussi gros & plus haut ; son bois est très-dur, très-odorant, inaccessible aux insectes, prend un beau poli & une couleur agréable.

3. Cyprès à feuilles disposées en écailles, terminées en pointe & à rameaux tombans ; cyprès à petit fruit ; cyprès de Portugal, cyprès de Goa. Il craint plus le froid que les autres.

4. Cyprès à feuilles opposées deux à deux & étendues ; c’est le cupressus disticha, Lin. Cyprès qui perd ses feuilles ; cyprès à feuilles d’acacia ; des marais. En Amérique, cet arbre parvient à la hauteur de soixante-dix pieds, & sa grosseur est proportionnée ; il y croît dans les endroits submergés.

5. Cyprès à feuilles de thuya. C’est le cupressus thyoïdes, Lin. L’emplacement sur lequel la ville de Philadelphie est aujourd’hui bâtie, étoit couvert de cette espèce de cyprès ; son bois a servi pour la construction des maisons.

6. Cyprès à feuilles étroites, détachées & disposées en croix ; c’est le cupressus juniperoïdes, Lin. Cyprès nain, cyprès du Cap de Bonne-Espérance, cyprès à cônes noirs.

III. De leur culture. Les cônes éclatent dès qu’ils sont mûrs, & laissent échapper la graine. Si on les a cueilli avant leur maturité, on les exposera quelques jours au gros soleil pour les faire ouvrir & donner leurs graines, Si on la conserve enterrée dans du sable, la graine lève mieux par la suite. Lorsqu’on ne craint plus les gelées, on peut semer avec les précautions indiquées au mot Alaterne, & les conduire de même.

IV. De leur emploi. Comme cet arbre se plaît singulièrement dans nos provinces méridionales, c’est-à-dire, le cyprès mâle & le cyprès femelle, il est étonnant qu’on n’en couvre pas les gerçures des rochers, les champs incultes. En France, nous disons que le cyprès est triste : en Italie, on pense différemment : il y produit les effets les plus pittoresques par l’art avec lequel on le place ; mais qu’importe à l’agriculture que son coup-d’œil soit triste ou gai ? Vaut-il mieux avoir une longue suite de rochers nus & pelés, que des arbres en pyramide, épars çà & là, & dont le bois est si précieux & presqu’incorrruptible ? Parce que les anciens plaçoient les cyprès autour des tombeaux, des grands mausolées, on a conclu que l’arbre étoit triste, & qu’ils le regardoient comme tel. Si l’on considère sans prévention le bon effet qu’il produit près des édifices, combien il y groupe artistement, combien même il fait ressortir l’architecture, on conviendra que les anciens connoissoient mieux que nous l’effet de la perspective. Celui qui multipliera dans nos provinces du midi, le cyprès des candiots, en deviendra le bienfaiteur. Chaque jour on abat le peu de bois qui reste sur pied ; on ne replante point, & les troupeaux mangent toutes les renaissances. Bientôt ces provinces seront dans la plus affreuse disette du bois.


Cyprès (petit) ou Santoline ou Garde-robe ou Auronne-femelle. (Pl. 18, p. 615) M. Tournefort le place dans la troisième section de la treizième classe, qui comprend les fleurs à fleuron, dont les semences sont sans aigrettes, & il l’appelle Santolina foliis teretibus. M. von Linné la nomme santolina chamæ-cyparissus, & la classe dans la singénésie polygamie égale.

Fleur. Fleurons hermaphrodites dans le disque & à la circonférence, en forme d’entonnoir. Ils sont rassemblés dans une enveloppe commune B, composée d’un seul rang de folioles longues, étroites, garnies d’une écaille C à leur base. D représente un fleuron plus gros que de grandeur naturelle.

Fruit. Semences E, solitaires, oblongues, placées dans le calice sur un réceptacle plane, couvert de lames concaves.

Feuilles, simples, étroites, à quatre côtés, ressemblant à celles du cyprès par leur forme, & non par leur couleur.

Racine A, ligneuse, rameuse.

Lieu. Très-commun dans les provinces méridionales de France ; il y fleurit.

Propriétés. Plante âcre, amère, d’une odeur forte, stomachique, vermifuge, diurétique. Les feuilles échauffent beaucoup, font souvent mourir les vers lombricaux, cucurbitains & ascarides. Elles sont indiquées pour les pâles couleurs, pour les fleurs blanches sans disposition inflammatoire, & avec foiblesse des forces vitales ; dans l’ictère essentiel, exempt de spasmes, dans le météorisme sans penchant vers l’inflammation. Elles excitent la sueur, lorsque le corps y est disposé ; souvent elles constipent & donnent des coliques aux enfans.

Usage. On donne les feuilles sèches, depuis une demi-drachme jusqu’à une once, en infusion dans six onces d’eau. La décoction est de demi-once pour les animaux sur une pinte de fluide.

On avoit appelé cette plante garde-robe, parce qu’on lui supposoit d’empêcher les teignes de ronger les étoffes de laine. Du savon produiroit un effet plus sûr ; j’en ai la preuve.